Blog Vin : Singuliers vins du Sud-Ouest


Singuliers vins du Sud-Ouest

Longtemps sous domination bordelaise, la région ne pouvait pas vendre de vin à l’étranger tant que Bordeaux n’avait pas vendu tout son vin. C’est à l’apparition du chemin de fer qu’elle a pris son indépendance mais c’est surtout grâce aux pèlerins de Compostelle qu’elle fut connue.

De part cet enclavement et ce manque de reconnaissance, peu de vignes ont été replantées dans les différentes appellations, et les cépages locaux ont survécu. Le Sud-Ouest est un véritable conservatoire de cépages oubliés qui font la force de la région aujourd’hui. C’est le berceau du malbec (Cahors), du tannat (Madiran), de la négrette (Fronton), du duras, du len de l’el et du mauzac (Gaillac), du fer-servadou (Marcillac), du petit et gros manseng (Jurançon), du Baroque (Tursan), du manseng et courbu noir (Bearn), et j’en passe.

Le Sud-Ouest est composé de seulement 50 000 ha, sur une zone très large. On se retrouve alors avec une diversité de terroirs très compliqués à appréhender pour le commun des amateurs, et même les spécialistes s’y perdent parfois. Tout cela contribue à offrir des vins uniques, au prix souvent très doux, à la singularité rafraîchissante.

Dans une aussi grande région, pour s’y retrouver, il faut la découper en quatre sous-régions :
  • Le Piémont du Massif Central ou Midi-Pyrénées où l’on retrouve Gaillac et Cahors.
  • La Moyenne Garonne, qui accueille Buzet.
  • Le Bergeracois, et les appellations de Bergerac, Pécharmant et de Monbazillac.
  • Le Piémont Pyrénéen, qui produit les magnifiques appellations de Madiran et Jurançon.

Je vous propose ici un bref coup d’œil sur les AOC de la région. Mais sachez qu’il existe des IGP avec les Côtes-de-Gascogne, et ses blancs moelleux très à la mode (Uby, Tariquet, Chiroulet, Joÿ...), les Côtes-de-Tarn, les Comté Tolosan, Corrèze, Ariège, Côtes-du-Lot, Côtes-du-Tarn, Atlantique, Landes, Périgord, Tarn-et-Garonne, Thézac-Perricard...

Le Piémont du Massif Central ou Midi-Pyrénées


Cahors (4 000 ha) : Ne produisant que du rouge à forte dominante de Malbec à 70 % minimum (encore appelé parfois auxerrois), avec en complément du merlot et du tannat, ce sont des vins puissants, épicés, riche en tanins très foncés, qui, la plupart du temps, se conservent bien. On y distingue plusieurs territoires dont les plus reconnus sont la 3ème terrasse plus charnu, le terroir sidérolithique plus épicé et enfin le terroir kimméridgien plus tendu. L'appellation rattrape son retard et propose de plus en plus de magnifiques cuvées. Quelques exemples : Château Lagrezette, Domaine Cosse-Maisonneuve, Château de Haute-Serre (je travaille pour lui), Château Eugénie, Clos d’Audhuy, Clos Triguedina, Château les Croisille... Pour en savoir plus, je vous invite à cliquer ici.

Coteaux-du-Quercy (300 ha) : L’AOC créée en 2011 produit du rosé et du rouge, majoritairement à base de cabernet franc (jusqu’à 60 %) avec en complément du tannat, du malbec, gamay ou merlot. Le style est assez fruité. Quelques exemples : Domaine de Revel, Domaine de Guillau, Domaine de Lafage...

Gaillac (4 000 ha) : En rouge, on trouve du duras, du fer-servadou (appelé aussi braucol), syrah, gamay, négrette, cabernet franc et sauvignon et merlot. En blanc, localement, nous avons du mauzac, len de l’el, ondenc, sauvignon et muscadelle. Toutes les couleurs sont représentées : moelleux, rouge, rosé, blanc sec, et même deux styles de pétillant : méthode ancestrale (comme le très sympathique V de Vigne Lourac) et méthode traditionnelle. Le vin nouveau est également présent à base de gamay. L’appellation est en pleine mutation et offre de très belles bouteilles encore abordable aux accents si particuliers. Quelques exemples : Domaine de Plageoles, Domaine Rotier, Château Montels, Domaine de Brin, Domaine Causse-Marine, Domaine Vignereuse, Michel Issaly….

Entraygues-et-du-Fel (21 ha) : Appellation créée en 2011 (à prononcer “entraille”) et bien anecdotique par sa taille, elle produit des blancs frais et fruités composés de Mauzac et de Chenin, et des rouges terriens à base de fer-servadou et de cabernet franc et sauvignon. Jean-Marc Viguier produit notamment des blancs de qualité.

Estaing (18 ha) : les rouges de gamay et de fer-servadou sont légers et frais, et les blanc de chenin, mauzac et de rousselou sont assez vif. Vous pourrez en trouver chez les Vignerons d’Olt.

Marcillac (158 ha) : cultivé en rouge à base de fer-servadou au nord ouest de Rodez, elle est en pleine mutation et on commence à trouver d’aimables vins riches en tanins mais aux arômes frais et à l’acidité bienvenue. Quelques références : Domaine du Cros, Domaine Laurens, Domaine de Matha, Domaine du Mioula, Domaine des Boissières, Vignes de Signols...

Côtes-de-Millau (56 ha) : Une autre AOC de 2011, les Côtes-de-Millau proposent des rouges et des rosés de gamay et de syrah avec un peu de duras, de cabernet sauvignon et de fer-servadou, ainsi que du blanc de chenin et de mauzac. L’appellation est assez anecdotique mais on trouve tout de même de quoi étancher sa soif au Domaine du Vieux Noyer.

Fronton (2 000 ha) : Situé à Toulouse, il est élaboré à base de négrette majoritairement, avec de la syrah, malbec, cabernet franc et sauvignon, fer-servedou, et gamay. En fonction de leur assemblage, ces vins rouges peuvent être plus ou moins tannique et dégager de puissant arômes terriens et de violette. Quelques exemples : Château Baudare, Domaine Le Roc, Domaine de Plaisance...

Corrèze (73 ha) : situé au sud de Brive-la-Gaillarde avec du rouge et du passerillé et au nord de la ville pour l'AOC Corrèze-Coteaux de la Vézère avec du blanc et du rouge, l'appellation date de 2017 faisant suite a une longue lutte contre le Jura pour le vin paillé. Le style est encore peu défini. En cépage vous trouverez les cabernet Sauvignon et Franc, le Merlot, le Tannat, le Fer Sarvedou et l'Abouriou pour le rouge et le blanc le Chenin, le Sauvignon Blanc, l'Ugni Blanc, Muscadelle, Gros Mensonge, Chardonnay et Colombard. Quelques exemples de producteurs : on trouve plus facilement des vins de caves coopératives. Au nord, vous pouvez trouver les Vignerons de la Vézère par exemple. Au sud, les Vignerons de Branceilles (1001 pierres). 

La Moyenne Garonne


Côtes-de-Duras (1 950 ha) : Parfois comptée dans le bergeracois, l’appellation utilise les cépages bordelais sauvignon, sémillon et muscadelle en blanc sec ou moelleux, et les cépages cabernet franc, sauvignon, et merlot en rouge et rosé. Ici, il n’est pas rare de voir des vins en monocépage. Le domaine le plus en vue est celui de Mouthes-le-Bihan. Le Domaine du Grand Mayne est également intéressant.

Côtes-du-Marmandais (1 300 ha) : Tout proche de Buzet, l'appellation ne produit presque que des rouges et du rosé (97 %) à base de merlot, cabernet franc et sauvignon, abouriou, syrah, malbec et gamay. Ces vins sont souples et fruités, avec une jolie rondeur et un côté épicé parfois. Les rares vins blancs sont à base de sémillon, sauvignon, muscadelle, et ugni blanc et sont vifs. La cave coopérative produit la plupart de ces vins, mais vous avez surtout l’incontournable et excellent Elian da Ros, et l’historique Château de Beaulieu, qui reste une bonne référence même s’il souffre la comparaison.

Buzet (2 100 ha) : Autrefois rattaché à Bordeaux, elle est le symbole du timide renouveau du Sud-Ouest des années 1990. Produisant du vin rouge et du rosé de cabernet franc et sauvignon et de merlot, ainsi que du vin blanc de sauvignon et de sémillon, le style est proche du bordelais avec des vins caressants et ronds, aux accents de fruits rouges. C’est la cave de Buzet qui proposent cette appellation (95 %). Pour ce qui est des vignerons indépendants, ils ne sont pas facile à trouver. J’ai pu découvrir le vin rouge du Château Tournelles qui n’est pas inintéressant depuis 2016. (je travaille pour le groupe qui possède ce château)

Brulhois (190 ha) : Appellation datant de seulement 2011, elle s’attache à produire du vin rouge à base de cabernet franc et sauvignon, merlot, tannat et malbec. Leur crédo, emprunté à Cahors, est “le vin noir”. L’AOC est représentée par la cave coopérative du Brulhois, mais j’ai aussi eu l’occasion de goûter un vin intéressant chez Christophe Avi.

Saint-Sardos (100 ha) : Bien que son histoire remonte à la fondation de l’abbaye de Grand Selve au 12ème siècle, l’AOC n’est créée qu’en 2011. Elle produit du rouge et du rosé en majorité de syrah (40 % environ) avec du tannat (20 %) et un peu de merlot et de cabernet franc. La cave coopérative est plus ou moins la seule à proposer cette AOC.

Le Bergeracois


Bergerac et Côtes-de-Bergerac (10 000 ha) : Il s'agit d’une AOC qui propose des rouges plutôt rond et des blancs assez vifs. Les rouges et rosés sont à base de cabernet franc et sauvignon, de merlot, et de malbec, et en blanc à base de sémillon, sauvignon et muscadelle. On compte parmi eux les domaines Les Verdots, La Tour des Gendres, et Jonc Blanc, et les Châteaux Barouillet et Hauts de Caillevel… Côtes-de-Bergerac est l’AOC plus restrictive, sensé être plus qualitative de Bergerac, mais ce n’est pas toujours le cas.

Montravel, Côtes-de-Montravel et Haut-Montravel (300 ha) : L’appellation n'attire pas les foules. Sur les quelques 20 000 ha plantés, seule la minorité est déclaré en Montravel. L'AOC Montravel se vinifie en rouge rond et fruité à boire rapidement (merlot, cabernet franc et sauvignon et un peu de malbec) et en blanc sec vif et fruité au nez (sémillon, sauvignon et muscadelle). Les Côtes-de-Montravel sont uniquement blanc moelleux avec les mêmes cépages blancs que le Montravel alors que le Haut-Montravel se concentre sur le moelleux et liquoreux. Château du Bloy en propose une interprétation intéressante.

Rosette (10 ha) : Sur un terroir argilo-graveleux, l’appellation propose des vins moelleux à base de sauvignon, muscadelle et sémillon. Quelques exemples : Château du Lac, Domaine de Coutancie.

Pécharmant (400 ha) : Il doit son nom au “Pech”, c’est à dire à la petite colline. Élaboré avec du cabernet franc et sauvignon, du merlot et du malbec, en rouge uniquement, il est généralement plus puissant et épicé que le Bergerac et peut se conserver plus longtemps. Il jouit d’une bonne réputation dans la région, bien que ma préférence aille au plus grands bergeracs. On retient notamment le Château de Tiregand, et le Domaine Costes. Le Domaine de l’Ancienne Cure, assez connu sur Bergerac, mais que je goûte mal, propose un Pécharmant de négoce plutôt agréable cependant. Le Domaine du Haut-Pécharmant propose de belles choses aussi.

Saussignac (50 ha) : petite appellation de vin moelleux avec de bons rapports qualité prix à base de sauvignon, sémillon et muscadelle (et parfois une touche d’ondenc et de chenin). Quelques références : Château de Payral, Château de Thénon, Château Court-les-Mûts...

Monbazillac (1 950 ha) : Blanc doux à base de sauvignon, muscadelle et sémillon. Il s’agit de l’appellation phare des blancs moelleux et liquoreux du bergeracois. Le sol argilo-calcaire et la brume matinale qui développe le botrytis sur les grappes l’on souvent fait comparer à Sauternes, à Bordeaux. Quelques exemples : Château Tirecul la Gravillère, Domaine les Verdots...

Le Piémont Pyrénéen

Tursan (300 ha) : Majoritairement élaborés en rouge et rosé de cabernet franc et sauvignon, ainsi que de tannat, ce sont pourtant les blancs, à base du très rare baroque, qui interpelle par leurs arômes si particuliers de fleurs blanches et de fruits exotiques. Le meilleur exemple en est le Baron de Bachen en blanc signé par le chef Michel Guérard.

Saint-Mont (1 150 ha) : AOC créée en 2011, elle s’articule très largement autour de la cave coopérative de Plaimont qui produit les vins les plus intéressants. L'appellation comprend de rares blancs nerveux à base de clairette, arrufiac, courbu, gros et petit mansengs, alors que les rouges, corsés mais pas forcément de garde, et les rosés sont majoritairement à base de tannat.

Madiran (1 300 ha) : Le vin rouge emblématique du Piémont Pyrénéen. A base de tannat et complété de cabernet franc (appelé bouchy localement) et sauvignon, et de fer-servadou (pinenc localement). Il existe deux écoles qui s’affrontent : la madiran d’autrefois, puissant, tannique même un peu austère, à conserver de longues années pour s’arrondir et le nouveau style plus charnu, et rond, qui joue plus ou moins sur la gourmandise d’un boisage appuyé. On trouve cependant des madirans plus souples qui peuvent être bus dans leur jeunesse. Quelques exemples : Château d’Aydie, Vignobles Alain Brumont (avec Montus notamment), Domaine Berthoumieu, Domaine Labranche Laffont, Château Viella...

Pacherenc-du-Vic-Bilh (260 ha) : Appellation de blanc moelleux sur la même zone que le Madiran, on y trouve aussi du blanc sec. Les cépages sont le courbu, le gros et petit manseng, l’arrufiac et le sauvignon. On est proche du style du jurançon avec ses arômes de mangues, son miel, sa bouche dotée d’une impressionnante acidité… On peut retenir, parmi d’autres : Domaine Labranche Laffont, Domaine Alain Brumont...

Béarn (270 ha) : Il s’agit d’une appellation séparée en deux zones distinctes. Très majoritairement rouge et rosé à base de tannat, cabernet franc (bouchy localement) et sauvignon, manseng noir, courbu rouge et fer-servadou, les vins sont puissants et généreux. Le Domaine Lapeyre en est un bon exemple.

Jurançon (1 200 ha) : S’il est une appellation de blanc dans le Piémont Pyrénéen, c’est bien le Jurançon. Il s’agit d’un vin moelleux à base de gros et petit manseng, courbu et d’un peu de petit courbu, de camaralet et de lauzet. Il est parfois vinifié en sec, donnant des vins tranchants et très aromatiques sur la mangue et le miel souvent. En moelleux, on retrouve les fruits exotiques, des épices et toujours cette superbe acidité qui contrebalance le sucre, issu d’une vendange tardive pouvant s’étaler jusqu’en décembre. Les vignes sont plantées en hauteur exposées ainsi au vents chauds qui soufflent ici pour éviter les gelées. Quelques références : Camin Larredya, Jardin de Babylon, Domaine Bru Baché, Clos Lapeyre, Domaine Guirardel, Domaine de Souch, Domaine Uroulat, Clos Joliette, Castera, Domaine de Cauhapé...

Irouléguy (200 ha) : Vin rouge tannique de garde (cabernet franc et sauvignon, et tannat) majoritairement avec du rosé et du blanc au nez fruité (courbu, petit et gros manseng), il n’est élaboré que par une poignée de producteurs. Il jouit d’une certaine sympathie auprès des amateurs de vins. La référence absolue est le Domaine Arretxea, mais Ilaria et Bordaxuria proposent de belles interprétations également.


Avec tout ça, vous êtes paré pour votre prochain voyage dans cette magnifique région où règne la gastronomie, et le plaisir de la table !


Votre serviteur et sommelier, Petit Chapeau Rouge

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