Le Vin de Lait, ou Koumys


Le vin de lait, ou Koumys

Pour conserver le lait, on peut le faire coaguler pour faire du fromage. Mais on peut aussi le faire fermenter. L'idée n'est pas neuve et nous en consommons toujours une bonne quantité de nos jours. Le yaourt est le plus courant, mais il existe aussi le kéfir (de lait) qui va se rapprocher davantage d’une boisson (nous en parlerons dans un autre article) et qui peut être légèrement alcoolisé. Mais une boisson au lait fermenté, totalement tombé dans l’oubli aujourd’hui a fait beaucoup de bruit à la fin du 19ème siècle en France. Il a été surnommé “vin de lait”, peut contenir jusqu’à 3% d’alcool, et est sorti tout droit des steppes russes. C'est le Koumys, ou kumis.

Une histoire de cheval

On pense que le terme “Koumys” viendrait du nom du peuple “Couman”, un peuple nomade de la haute antiquité qui venait de Tibet et de la Boukharie et s’est établi entre la mer Caspienne et de la mer noire, sur les bords de la rivière Kouma. Ils sont vaincus par les Tatars et beaucoup de leurs coutumes, dont le koumys, furent adoptées par les envahisseurs.
Les Coumans dans la Chronique des Radziwiłł.

Cette boisson est riche en nutriments et a servi d’aliments aux Mongols, Bachkirs et autres Kirghizes des steppes asiatique. Pour cette raison, il est réalisé traditionnellement avec du lait de jument, mais on peut aussi le produire avec du lait de vache, bien que dans ce cas là, le sucre est moins présent, cela donne un koumys plus léger. Ceci dit, les essais de la fin du 18ème montraient que l’on pouvait enrichir le lait de vache en sucre en leur donnant une alimentation particulière. C’est d’ailleurs durant cette période que l’on a vu des producteurs proposer cette boisson pour des besoins médicaux, notamment pour des troubles intestinaux. Les doses prescrites étaient d’ailleurs d’au moins une bouteille par jour, mais on pouvait aller jusqu’à quatre ! Ces bouteilles, à partir de 1840, étaient toute ronde, allongées, ressemblant à une massue, que l'on appelle bouteille Hamilton, bouteille soda ou egg-bottle.

Le koumys le plus populaire est élaboré avec du lait de jument frais de part ses caractéristiques particulières (fort taux de substances non protéiques azotées, taux important de vitamine C…) qui lui donnent des arômes plus subtiles d'après ce que j'ai pu lire.

L'utilisation thérapeutique des laits fermentés reste d'actualité dans les pays de l'Europe centrale, en Allemagne et en Suisse. Mais il est bien plus présent en Europe orientale et particulièrement en Russie. En France, les publications sont extrêmement rares.

Une recette ancestrale

Une description de la méthode ancestrale est donné par M. de Lesseps en 1790 : "Dans un coin de la yourta est à demeure un baquet de cuir. Chaque jour on y verse du lait de jument qu'on agite avec un bâton pareil à celui qui sert à battre le beurre. Tous ceux qui entrent, les femmes surtout, ne manquent jamais, avant de vaquer à d'autres travaux, de battre ce lait pendant quelques minutes ; de là provient cette boisson aigrelette et cependant agréable qu'on nomme koumouiss. Veut-on la faire davantage fermenter, elle devient un breuvage des plus capiteux."


Chez les Kirghizes et les Baschkirs, le lait frais de jument était versé dans une outre conique en cuir dans laquelle on mettait un peu de kora (koumys séché) qui apporte ses ferments. Après trois jours de barattage à 20-25° (ou promené à dos de chameau), le koumys était prêt.

D’après le Bulletin de la Société de Pharmacie de Bordeaux de 1999, le koumys est réalisé avec des bactéries lactiques (Lactobacillus bulgaricus et Lactobacillus acidophilus) et des levures (Torula koumiss et Saccharomyces lactis). Une fois élaboré, il est possible de distiller ce koumys pour produire de l’araka ou arkhi. Réalisé avec des moyens rudimentaires, et avec une boisson de base peu alcoolisée, le arkhi titre à seulement 10 %, et il est décrit comme ayant un goût de petit lait un peu rance. Il semble que le meilleur arkhi, bien qu’un peu étrange, soit buvable mais que, pour le plus commun des arkhis, on ait l’impression qu’un troupeau de chèvre s'est baigné dedans.

Et ça se boit ?

Le Koumys-Edouard préconise pour sa version pétillante : Visser le robinet siphon sans toucher aux attaches et agiter avant de verser. Tenir la bouteille entamée renversée de façon que le bouchon soit couvert par le liquide.

D’après la littérature, le koumys est d’un aspect laiteux blanchâtre, aux arômes de petit-lait, et une bouche légèrement acide et piquante, très frais. Il peut être pétillant, et c’est ainsi qu’il était bu dans la seconde moitié du 19ème. On le surnommait alors le lait de Champagne. Le koumys est un liquide hétérogène. Cela signifie que lorsqu'on le laisse reposer, il se déphase, laissant la matière grasse remonter à la surface.

Si un jour vous vous baladez en Mongolie, n'hésitez pas à goûter ce breuvage des plus singuliers. Plus proche de nous vous pouvez aussi discuter avec Jacques Belasta qui était jusqu'en 2019 producteur de koumys dans les Pyrénées. Si vous êtes intéressé je vous laisse ici un article sur ce monsieur.

Il est à noter que les colombiens sont grands consommateurs de kumis colombien. Mais cette boisson n'a pas grand chose à voir avec le vrai koumys. Il s'agit généralement de lait coagulé à l'aide de jus de citron vert dans lequel on ajoute du sucre et que l'on mixte. Parfois, le lait est aussi fermenté à l'aide d'un yaourt.


Votre serviteur et sommelier, Petit Chapeau Rouge

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