Blog Cidre : Le Tour de France du Cidre



Le Tour de France du cidre

"Zangs, Bordelet, Lemasson et Lesuffleur en Normandie, Baron, Kinkiz, Séhédic et Cécillon en Bretagne, Bordatto en Pays Basque, Thurel dans le Loiret... Autant de noms qui rentreront dans la légende du cidre qui s'écrit aujourd'hui !"

Étant Breton, il y a un sujet qui me tient particulièrement à cœur, c'est le cidre ! Cet alcool de pomme, dénigré, qui pourtant peu révéler une complexité étonnante dans les mains experte des plus grands cidriculteurs. Je vous propose de vous faire un rapide tour des producteurs qui font parler d'eux en France.

Brève histoire du cidre

Le cidre est un alcool fermenté à base de pomme. Il a sans doute été découvert à de multiples reprises à travers le monde (comme la bière par exemple). Mais, les régions actuelles productrices, surtout en France, ne s’entendent pas pour savoir qui a été la première. Les études manquent malheureusement sur le sujet, et je n’ai pas réussi à me faire ma propre idée sur le sujet. Il semble que les premières mentions incontestables de pommier à cidre datent de 1082, dans la vallée d’Auge.


On sait toutefois que le mot cidre est dérivé du latin sicera qui signifie “boisson alcoolisée”, et s’est établi en Normandie où on le retrouve pour la première fois chez Wace (conception de Notre-Dame) en 1169. Si le cidre provenait du pays basque, il est envisageable que le mot aurait été un dérivé du basque sagarno (“vin de pomme”). Ceci étant dit, le cidre basque remonte également à cette période, au moins, car on retrouve des ordonnances du Royaume de Navarre portant sur le cidre, en 1189.

Pour la Bretagne, il semblerait que la première mention date du 13ème siècle, date à laquelle on développa un pressoir efficace, ce qui a contribué à répandre la fabrication du cidre dans tout le royaume. En effet, avant, il était de coutume de concasser les pommes avant de les allonger d’eau. Cela donnait un “cidre” très léger en alcool et en goût.

Un siècle plus tard, un basque, Guillaume Dursus, apporta de nouvelles variétés en Normandie, plus propices à l’élaboration de cidre, ce qui accentua encore son développement dans le reste de la France. Les disettes auraient forcées à plusieurs reprises les seigneurs à réserver les céréales pour la consommation de pain, et les terres de vignes à la plantation de céréales. C'est ainsi que les plantations de pommiers se développèrent afin de remplacer le vin ou la bière, des boissons traditionnelles de l'époque. Le cidre est alors devenu la boisson quotidienne.


Si au 19ème siècle, le cidre tenait une bonne place dans la consommation française (et d’autant plus dans certaines régions, comme en Bretagne où l’on consommait 400 L/an et par habitant), le vin, puis la bière l'ont supplanté. Mais dernièrement, le cidre, sur le modèle de la révolution qu’a connu le monde du vin dans les années 60, connaît un chamboulement impressionnant d’image. Passant de petite boisson amusante à véritable promoteur de la gastronomie française, c’est un moment historique que nous vivons.

Tour de France

Bretagne 

Si la région n’a connu que relativement tardivement le cidre, elle en a fait un étendard et les débats sont houleux pour savoir si le cidre est Normand ou Breton. On compte une AOC de cidre actuellement en Bretagne :
L'AOC Conouaille

L’AOC Cornouaille : situé dans le sud du Finistère, elle doit être composée de moins de 15 % de pommes acidulées alors que les pommes amères et douce-amères doivent être présentes à hauteur de 70 % minimum. Le cidre est typiquement puissant, avec une jolie amertume bien marquée. On les réserve généralement pour la table, avec de la viande blanche par exemple. Les variétés utilisées en majorité dans l’assemblage sont : - les pommes amères Kermerrien, Marie Ménard ;
- les douces amères Prat Yeaod, Douce Moên, Peau de Chien ;
- les douces : les Coêtligné ;
- les acidulés : Guillevic.

Il y a encore peu, c’était Eric Baron qui avait la réputation d’être le plus grand producteur de cidre de France. Mais le Domaine de Kerveguen n’est pas dans l’AOC, puisqu’il est dans le Finistère nord. Vous trouverez les bouteilles entre 9 et 15 € sur place. Il fait parti des incontournables.
Eric Baron

 

A Lannion, Cyril Le Bloas propose de fantastiques cuvée. Hors appellation.

 
En Bretagne, vous trouvez également un nouveau producteur dont la qualité augmente de plus en plus : c’est le Domaine Johanna Cécillon. Il n’est pas non plus dans l’AOC. Vous le trouverez dans l’ouest de l’Ile-et-Vilaine. Les bouteilles sont autour de 7 à 14 €. Bien que le domaine divise, il est sans conteste l’un des plus grands de Bretagne. Retrouvez mon article sur le domaine ici.


Juste à côté, proche de Saint-Malo, retrouvez aussi le domaine Sorre qui produit des cidres fruités à prix très doux. 
Divona du Domaine Johanna Cécillon

Dans le Finistère Sud, mais toujours pas dans l’AOC, vous trouvez aussi François Séhédic qui produit de très bon cidres assez légers pour la région, et même un peu acidulés. Le cidre sur place est autour de 4 - 7 €. C’est un nom que tout amateur de cidre breton connaît.


Toujours dans la région, vous avez aussi le sympathique et très abordable Cidre de Rhuys Nicol, dans le Morbihan, du côté de Vannes. Il ne faut pas y chercher la complexité d’un argelette d’Eric Bordelet ou d’un Cyril Zangs, mais à ce prix, on ne peut que l’aimer ! Et donc toujours pas dans l’AOC. Les bouteilles se trouvent vers les 3 - 5 €.

Sur l’île de Groix, dans le Morbihan, (pas en AOC, pour ceux qui suivent), la Cidrerie Port Coustic propose des cidres décalés, dont je peux vous conseiller le Pommes Against the Machine. Les bouteilles sont à 10 € sur place.

Hors AOC, (oui, encore), dans la presqu’île du Crozon, la ferme de Kermarzin propose un cidre agréable dans les 8 €.

Une autre cidrerie digne d’intérêt, du côté de Vannes (oui, hors AOC), est la Distillerie du Gorvello. Elle est tenue par Nicolas Poirier, ancien cadre de chez Pocket. Il décide de tout envoyer balader. Il se forme au métier de cidriculteur de la distillation dans la région du Calvados. Gorvello produit peu de cidre, son coeur d’activité étant la distillation, mais je peux vous conseiller de les goûter. Les cidres du Finistère et de Côte-d’Armor sont tanniques, ceux de Vannes sont un peu plus légers et acidulés. La gamme se situe autour de 8 € la bouteille.
 
La cidrerie Kystin, à Vannes, propose des cidres aromatisés (châtaignes notamment) mais également un brut assez cher (plus de 10€), assez moelleux avec un côté minéral qui lui donne un peu de longueur. Pas vraiment le meilleur rapport qualité prix mais définitivement un jeune producteur a suivre.

Mais, dans cette appellation que les plus grands producteurs de la région semblent éviter, vous trouvez tout de même le puissant et tannique Manoir de Kinkiz qui jouit d’une belle réputation et que l’on trouve dans les 5- 8 €, et deux maisons sympathiques : la Cidrerie de Menez Brug, dans les 3 - 4 € et les Vergers de Kermao.
Les autres cidreries d'intérêts sont : L'Aubinière à Janzé, la Cidrerie du Golf, Cidrerie du Léguer, Les Vergers de la Ferme à Bain-de-Bretagne, des Bouteilles à l'Amer, et Kermao.

Normandie

Pour beaucoup d'amateurs, c'est la terre promise du cidre. En tant que breton, j'ai un peu de mal à l'admettre, mais il est vrai que la région regorge de talents incroyables dans le travail de la pomme.

AOC Pays d’Auge : L’un des berceaux du cidre en France (en compétition avec le Pays Basque comme nous l'avons vu), l'AOC est officialisée en 1996. Les variétés majoritaires sont :                        - pour la catégorie amère, le Domaine Fréquin Rouge, Mettais, Moulin à vent ; 
- pour la catégorie douce-amère, Bedan, Binet Rouge, Bisquet, Noël des Champs, Saint-Martin ; 
- pour la catégorie douce, Germaine, Rouge Duret ; 
- pour la catégorie acidulée, Rambault, René Martin. 
Le cidre a souvent des arômes de beurre frais et de fruit quand il est jeune, puis il a tendance à dégager un côté mentholé et animal. En bouche, il est plutôt rond, peu acide, avec une légère amertume.

Dans le Pays d’Auge, à Cambremer, cherchez Antoine Marois. Comme beaucoup de grands cidriculteurs, il vient du monde du vin et y transpose ses codes. Les cidres sont plutôt dans la fourchette haute, vers les 14 -15 €. Le Domaine de la Galotière, Desvoye, Ferme des Parquets, le Père Jules, les Vergers du Chouquet, Ferme de Cutesson, les Bruyères Carré, Zathione sont également de bonnes références.

AOC Cotentin : La petite dernière des AOC de cidre créé en 2016, le cidre du Cotentin à une amertume plus marquée que le cidre du Pays d’Auge, et ses arômes sont plus tournés vers les notes de beurre et d’herbes séchées. Comme les autres AOC, le Cotentin fait la part belle aux variétés phénoliques (amère ou douce-amère) qui doivent être supérieures ou égale à 70 % de la surface du verger. Les variétés principales sont toutes dans la catégorie amère et douce-amère. 
On peut citer les Domaines suivants : Belle fille de la Manche, Binet Rouge, Bois Jingant, Cartigny, Closette, Feuillard, Gros amer, Marin Onfroy, Peau de Chien, Petit amer, Rouge de Cantepie, Sans Pareille, Tapin, Tête de Brebis, Taureau.

Nous ne pouvons pas parler du cidre de l’AOC Cotentin sans parler de l’immense Damien Lemasson, porte étendard de l’AOC. Vous trouverez ses bouteilles vers les 5 - 10 €.
Damien Lemasson

Dans le Cotentin, la Maison Hérout est l’une des belles adresses. Ses cidres sont entre 9 et 15 €, dans le pur style de la région.


Probable future AOC Pays de Caux : Si le dossier n’est pas encore disponible, il est possible que d’ici quelques années nous voyons arriver une nouvelle AOC de cidre, mais contrairement aux autres, elle serait plutôt orientée vers les cidres frais, léger et acidulé. Une affaire à suivre de près !

Pays de Caux
Dans le Pays de Caux, Emmanuel Palfray propose une vision très traditionnelle du cidre, puisque le Domaine du Pradon n’est pas qu’une cidrerie mais une ferme avec un élevage de volaille et une culture de la betterave notamment. Il fait parti de ces producteurs amoureux de la tradition de leur région souhaitant la voir valorisée. C’est ainsi que lui et plusieurs de ses confrères portent le projet d’AOC. Vous trouverez donc chez lui un cidre représentatif de la future AOC. Les bouteilles sont autour de 5 €.


Probable future AOC Perche : L’AOC serait, a priori, en majorité en Normandie. Le dossier, non disponible, présenterait le cidre de la future AOC comme des cidres plutôt charpentés, sans doute proche du style de l’AOC Cornouaille.

Le Perche
L’un des porteurs du projet d’AOC est très impliqué dans la montée en qualité des cidres de la région, il s'agit de Grégoire Ferré. Installé depuis seulement une dizaine d’années, il produit quelques uns des cidres les plus notables du Perche. Ces bouteilles se trouvent dans les 5 - 7 €.

Dans le Perche, la cidrerie de l’Hermitière propose des cidres intéressants à côté de Nogent-le-Rotrou. Les bouteilles sont aux alentours de 4 - 5 € sur place.

Toujours dans le Perche, on peut retenir le Domaine du Tertre, et ses cidres agréables, autour de 7 €.


Mais si les AOC sont de plus en plus nombreuses en Normandie, elles laissent les plus grands producteurs de côté :

En dessous de Lisieux, retrouvez Cyril Zangs, reconverti pour notre plus grand plaisir en cidriculteur, ou comme il le dit en “cidrerond”. C’est une de mes visites coup de cœur et ses cidres sont parmi les meilleurs que j’ai pu goûter. Vous pourrez obtenir ses bouteilles pour environ 12 €.
Cyril Zangs
Mon coup de cœur absolu se trouve dans la Mayenne : j’ai nommé l’ancien sommelier Eric Bordelet. Son argelette, vieilli d'une dizaine d’années, est doté d'une incroyable complexité et d’un merveilleux équilibre. Si vous souhaitez en savoir plus, vous trouverez ma visite au domaine ici. La cuvée Argelette est à environ 13 € sur place. Ne manquez pas ses poirés qui sont absolument fabuleux (à un prix situé entre 8 et 16 €).
Eric Bordelet
A côté de ses géants, vous trouverez aussi près d’Isigny, Simon Lemarié, qui propose des cidres assez puissants sous le nom de Cidricchus, vers les 8 €.


A côté de Cyril Zangs, en dessous de Lisieux, il existe un cidriculteur qui jouit d’une très bonne réputation, et à juste titre : Benoit Lesuffleur. Un peu compliqué à trouver, ses meilleurs cidres se trouvent dans les 24 €.
Benoit Lesuffleur


La Famille Dupont, dans le Pays d’Auge, a fait le pari d’un cidre en tout point identique au vin. Ils ont embauché un maître de chai qui venait de Bordeaux et un sommelier. Les prix sont toutefois assez élevés pour le monde du cidre : entre 9 et 19 €. 
 
Dans le Domfrontais, la famille Pacory propose son fameux cidre “le Costaud” qui mérite bien son nom, bien qu’il ait une certaine rondeur tout de même. Un jolie cidre à 8 €. Vous avez aussi dans le secteur Domaine Fourmont-Lemorton et Guillaume Chopin à Saint Mars d'Egrenne. 
 
En dehors de ces quelques noms, vous pouvez aussi allez voir Le Domaine du Bas des Côtes, le Domaine des Cinq Autels, la Ferme de Poncteys, le Domaine de Sicera, la Ferme de la Sapinière, Le Domaine des Hauts-Vents et la Ferme de Billy.

Pays Basque 


Pays Basque a une vision bien différente du cidre. De part sa météo plus chaude, les fermentations se font naturellement plus vite, et de fait, il reste généralement très peu, voir pas du tout de sucre résiduel. En le mettant en bouteille, il n’y a donc pas de refermentation, ce qui produit naturellement des cidres sans gaz. On parle d’ailleurs localement de “Vin de Pomme”, le fameux “Sagarno” (prononcé "Chagarno"), et pas de “Cidre”. Beaucoup de cidreries localement font aussi restaurant, et je ne peux que vous conseiller d’y faire un tour.

S’il n’y a pas d’AOC, ce qui a mon humble avis, c'est bien dommage car certains producteurs proposent des “cidres” fabuleux. Parmi eux, le Domaine Bordatto, à Jaxu, près de Saint Jean Pied de Port, est le plus célèbre avec son fameux Mokofin, dans les 17 €. Ici, le sagarno est encore riche en sucre, donnant une sorte de vin doux, très agréable en dessert (tarte tatin, quand tu nous tiens).

Domaine Bordatto

Un projet récent fait parler de lui en ce moment, c’est Topa. Il s’agit d’un producteur de cidre sans verger, qui s’est taillé une réputation d’excellence, notamment à Bordeaux. Bien qu’agréable, il ne fait pas forcément parti de mes favoris de la région. Leur cidre est pétillant. On le trouve relativement facilement et coûte vers les 8 €.

Un négociant en vin, la maison Kupela, s’est elle aussi tournée vers le cidre. Si elle n’a pas de pommiers, elle élabore des cidres intéressants. Son objectif est de proposer un cidre plus fruité, et moins amer que les sagarno traditionnels. On trouve des non gazeux, des perlants (très légèrement gazeux) et des gazeux. La gamme va de 3 € à 7 € la bouteille.

Un autre projet est à présenter : il s’agit de Eztigar à Saint Juste Ibarre. C’est un groupement de producteurs qui ont, il y a 30 ans, replanté 15 000 pommiers de variétés locales pour produire des cidres de qualités. Il est à noter que certaines années, cette coopérative vend le surplus de production de pomme au Domaine Bordatto par exemple. Leur gamme oscille entre 4 et 9 € la bouteille.

Les Autres Régions

Le cidre est une boisson qui était consommée un peu partout en France. Mais bon nombre de régions l’ont abandonné, préférant la bière et le vin. Toutefois, ces dernières années, des pommiers à cidre sont replantés ici et là. Le meilleur exemple ? Julien Thurel à Loury près d’Orléans ! Malgré un verger jeune, le cidriculteur a réussi l’exploit de proposer un cidre au niveau des meilleurs de France ! La spécificité du domaine est d’utiliser beaucoup de pommes acidulées, alors que ses illustres confrères ont choisi les variétés amères. Il en résulte des cidres plus légers et acidulés, sans manquer de complexité. Les bouteilles se trouvent à environ 10 €.

Julien Thurel

A Lille, deux amis ont créé la marque Le Mauret, qui s’est spécialisée dans le cidre pression, dont raffolent les Anglais et les Irlandais. A croire que les bars de la région avaient un côté britannique puisqu’on retrouve la marque en lieu et place des sacro-sainte bières de la région, et jusqu’à Paris. Ces cidres sont plutôt légers et fruités, pas forcément de grands cidres, mais ça n’en reste pas moins agréable à boire en été. Dans le Nord, vous avez également les Vergers d'Ohain.

En Champagne, à l'ouest de Troyes, Christophe Duminil et la Ferme d'Othe propose des cidres également intéressant.

Ceci clôture ce rapide Tour de France du cidre. J’ai évidemment oublié beaucoup de jolies bouteilles et certaines que j’ai cité peuvent ne pas être vos préférés, mais cela vous permet tout de même de porter un regard plus curieux sur cette formidable révolution cidricole (ou cidronomique comme certains disent !)

N’hésitez pas à partager vos marques préférées pour que je puisse compléter l’article !

Votre serviteur et sommelier, Petit Chapeau Rouge



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