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Blog brandy : Roger Groult, le missionnaire du Calvados




Dans la famille des eaux-de-vie, il en est une particulièrement chère aux cœurs de nos amis Normands : le calvados, ce cidre distillé. Elle a été, et est encore, souvent considérée comme un spiritueux rustique, anguleux, la bibine de grands-pères distillée derrière les hangars, pas tellement mieux que la gnôle d’autrefois. Pourtant, au milieu des calva’ qui arrachent, on trouve aussi de formidables breuvages. Et celui qui vient le premier en tête, et à raison, c’est bien-sûr, celui de Roger Groult !

C’est dans le Pays d’Auge, l’une des trois AOC du calva, et de loin la plus renommée, que vivent les Groult, et ce, depuis 5 générations. Comme beaucoup, ils ont commencé en polyculture-élevage mais, en 1860, ils se lancent dans la distillation de cidre, et le vieillissement en fût de chêne. La réputation grandissante de la famille la fit connaître au niveau local, puis régional, puis national, avant de conquérir le monde. C’est maintenant Jean-Roger Groult qui tient les rênes de la maison.

Roger Groult et la pomme, une histoire de cœur




En arrivant sur place, je suis immédiatement sous le charme : on se croirait dans une petite ferme normande, avec ses bâtiments en colombage bourrés de charme. Je suis bientôt rejoint par la guide qui me fait découvrir leur procédé de fabrication. Et on commence évidemment par le verger : 24 ha dont 16 ha en haute-tige. Ce n’est pas suffisant pour produire les 50 000 bouteilles produites par an par la maison. Elle achète donc à ses voisins pour pouvoir traiter les 600 tonnes de pommes dont elle a besoin. Le millésime jouant beaucoup dans le monde de la pomme, les quantités sont très variables. Mais, empiriquement, on remarque que si une année a produit peu de pommes, l’année suivante en produira beaucoup plus. La distillerie joue sur ses stocks pour lisser cette différence.

Roger Groult et le miracle s’accomplit !


Tout est déversé sur les quais où l’on trie les pommes et on les fait tomber dans des rigoles remplies d’une eau qui les transporte dans le bâtiment où elles sont broyées grâce à une machine ultramoderne tout droit venue d’Allemagne. Le jus, mis en fermentation en cuve à l’extérieur attendra quelques mois avant d’être distillé en repasse à l’aide des trois alambiques (un « grand » de 1200 L, et deux petits de 400 L datant probablement des débuts de la distillerie). Les alambiques fonctionnent encore au bois, ce qui détonne dans le monde du spiritueux. En effet, la chauffe est plus lente, mais moins précise et un opérateur doit veiller 24h/24 que les flammes soient toujours vives. Autre spécificité, entre le pressage des pommes et la distillation, le jus attend un an, au lieu des 6 semaines demandé par l’AOC, ce qui permet une plus grande complexité du distillat, et un côté plus ferme, ce qui est un plus quand on souhaite faire des vieillissements aussi long que ceux de Groult.

Ce que Roger Groult a commencé, le temps le finit

Les jeunes eaux-de-vie qui seront commercialisées après trois ans sont mises en fût de 225 L neuf qui vont apporter un boisé marqué rapidement. Celles qui sont destinées à un vieillissement prolongé sont passées en fût de plus grande capacité déjà été utilisés afin de conserver la fraîcheur du fruit même après plus de dix ans en fût. Arrivées à 18 ans, elles sont mises dans le fût qui servira à faire le Doyen d’âge. Enfin, les eaux-de-vie de 25 ans sont quant à elles mises avec la Réserve Ancestrale qui contient quelques gouttes de calvados ayant connu Napoléon III.

La dégustation des calvados de Roger Groult !

Les calvados classiques

Roger Groult 3 ans : la jeune expression de la maison. Fruité explosif, encore très turbulent et fougueux, j’avoue que je le vois mal tout seul. Il reste plutôt précis, et sera très bien en cocktail comme le Pom’pom, le cocktail des AOC Calvados, ou le Roger’s Holidays comme le préconise Roger Groult.

Roger Groult 8 ans : Le boisé assagit le calvados, tout en gardant une bonne place à la pomme cuite, apportant simplement du caramel, de la vanille et des épices. Plus rond que le 3 ans, plus profond aussi, les angles qu’on pouvait sentir dans la version jeune disparaissent, et la finale gagne largement en précision et en équilibre. Plutôt à boire pur mais il aurait toute sa place dans le cocktail Calva étoilé, sorte de Manhattan à la pomme.

Roger Groult 12 ans : on commence sérieusement à gagner en profondeur. Rond, assez charmeur avec de la pomme fraîche qui répond bien au toffee et aux épices du boisé, on est sur un grand calvados. La finale est longue et complexe sur la tarte tatin. Celui-là, je le sirote !

Roger Groult 18 ans, vénérable : C’est, pour moi, l’expression ultime de la marque. Il y a un équilibre entre la fraîcheur du fruit et la chaleur du boisé remarquable, avec une complexité et une douceur qui vous pose calmement dans votre fauteuil. On entendrait presque le feu qui crépite dans la cheminée. Voilà la fameuse potion que j’espérais goûter ici.

Roger Groult Age d’or : On retrouve beaucoup de similarité avec le vénérable, mais avec un côté plus porté sur la crème pâtissière. Cela lui apporte du charme et de la gourmandise. En contre partie, cela a tendance à aplatir les arômes. Ceci dit, ça reste une très bonne boisson.

La mémoire de Roger Groult

Roger Groult Doyen d’Age : Au nez, ce qui marque, c’est un boisé antique, dégageant des arômes d’épices dures, qui prennent le pas sur le fruit. Le travail est excellent avec un bon équilibre, une douceur et une profondeur impressionnante, mais le rendez-vous avec la pomme est un peu loupé. On pourrait le confondre avec un très vieil armagnac sans problème. A réserver aux amateurs de vieux calva.

Roger Groult Reserve Ancestral
: Le poids des âges pèse lourd sur le jus, le boisé écrase tout et le fruit se fait très discret. Ceci-dit, quand on le déguste, rien n’agresse. Tout se déroule avec volupté, en laissant des arômes boisés raffinés bien après la gorgée avalée. A réserver aux amateurs avertis.

Les expériences de Roger Groult

Roger Groult finish Hydromel : Un calvados d’une dizaine d’années, vieilli un peu plus d’un an en fût d’hydromel. Une bizarrerie qui sent bon la pomme, le caramel et le miel, très doux en bouche. Plutôt intéressant.

Roger Groult finish Jurançon : Un calvados de 9 ans, et vieilli en fût de jurançon (du domaine de Cauhapé, que je vous conseille) pendant un an. On retrouve la typicité du 8 ans mais avec un côté un peu plus marqué en fruits exotiques.

Roger Groult finish whisky : Un calvados de 9 ans et vieilli en fût de whisky (d’armorik, en Bretagne). Un coté iodé, avec de l’épices dures et un côté terreux aussi. Etrange.

Roger Groult finish sherry : un calvados de 11 ans et vieilli un an en fût de xérès. Les épices dures, le boisé poussiéreux écrase la pomme et les fruits de manière générale. Sans trouver ça mauvais, je ne suis pas convaincu.

Hors sujet, mais veuillez notez aussi que le cidre de Roger Groult « les grisettes » est dégorgé par le génial Cyril Zangs (rendez-vous ici pour lire l'article en question)

Alors, il en ressort quoi ? Et bien, si vous ne connaissez pas le calvados, c’est sans aucun doute le repère qu’il vous faut ! Et si vous connaissez, ou si vous croyez connaitre, je vous engage fortement à un petit pèlerinage dans cette fabrique de potions !

Roger Groult
Route des Calvados
14290 Saint-Cyr-du-Ronceray

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