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Blog Cidre : Génial Cyril Zangs

Génial Cyril Zangs


Depuis 25 ans, Cyril rêve de devenir vigneron. Lorsqu’il perd son travail à Paris, l’occasion se présente enfin ! Revenant dans sa Normandie natale, il goûte au restaurant le cidre de François David. Et ce n’est pas n’importe qui ce François David ! C’est ni plus, ni moins que le pionnier des cidres haut de gamme en France. Fou mystique qui accompagnait gestes techniques de signes ésotériques, il était considéré par les cavistes et restaurateurs normands comme le meilleur producteur de cidre. Si vous souhaitiez découvrir cette boisson devenu mythique, j’ai malheureusement une mauvaise nouvelle pour vous. Depuis longtemps au bord de la folie, son esprit génial s’est finalement égaré, et son savoir-faire unique est désormais perdu.

Comme pour beaucoup, Cyril a eu la révélation ! Incroyable ! On peut faire quelque chose de la pomme ! C’est décidé ! Il ne sera pas vigneron, mais « cidrerond » (avec un «d » car son cidre est rond, sic). En 2010, il revient dans sa Normandie natale et s’installe près de Lisieux au milieu de son verger.

Cyril Zangs, ou l’art de faire du cidre à la force des bras

La visite

En vacances en Normandie dans ma famille dans le magnifique château de Bonnemare, il m’était impossible de passer à côté d’une visite de cette fabrique de liquide merveilleux. Rendez-vous est pris, je me dirige vers ce sanctuaire du bien-boire. Amis assoiffés, soyez prévenu, la couverture réseau dans le secteur est, pour le moins, médiocre ! Je vous passe les détails, mais sachez que ce n’est pas lui la petite ferme au bout du chemin. C’est la jolie grange en colombage avec le pressoir à double plateaux devant. Quand Cyril me rejoint avec sa casquette anglaise, et son œil pétillant, je découvre un homme modeste. Sans doute pas encore habitué aux visites (vu la qualité de ses cidres, il va sans doute en avoir beaucoup plus dans le futur), il me montre ses installations en toute simplicité. Pointu techniquement, renommé et pas orgueilleux pour un sou. Je sens déjà que je vais aimer cette visite moi !

De l’arbre au jus

Sur le domaine, il a un verger en tiges-hautes, moins productif que les basses-tiges, mais écologiquement plus intéressant et plus résistant. Son verger est composé de 69 variétés, plutôt orienté douceur qu’amertume et acidité. Dans le monde du cidre, on cueille rarement les pommes dans l’arbre. On préfère quand elles sont assez mûres pour tomber au sol, réduisant l’amertume et l’acidité. Mais ce faisant, elles risquent de s’abîmer. Cyril a donc installé des filets pour les récupérer tout en douceur.



Pour que les pommes puissent continuer à mûrir, il les entrepose au sec dans des grandes caisses en bois (« palox » dans le jargon) pendant 1 mois et demi. Ce n’est qu’après que Cyril les broient et les empilent en pyramide dans son pressoir à double plateaux. Pour faire tenir le tout, il superpose des clayons (petite grille de bois), de la toile de nylon et des pommes broyés. Pendant le montage sur un plateau, l’autre est broyé.

Il en sort un jus très sucré (1055 à 1065 de densité pour les connaisseurs) qui est mis à fermenter en cuve pendant 5 à 6 mois avec les levures présentes sur la peau de la pomme. Une fois ceci fait, alors qu’il reste un peu de sucre, il les met en bouteille (manuellement, trois par trois), et les entrepose couchées pendant 2 à 3 mois pour la « prise de mousse ». En gros, au lieu de laisser échapper le gaz de la fermentation de la cuve, on le bloque dans la bouteille, ce qui rend la boisson gazeuse. C’est ce que l’on appelle dans le milieu du vin la méthode ancestrale.

Bouteille, ma belle bouteille

Durant la prise de mousse, les levures finissent par mourir et forme ce qu’on appelle la lie. On peut la laisser en bouteille, ce qui, au fil du temps donne plus de gras, et un caractère plus épicé, mais outre un visuel peu aguicheur, la lie a rapidement tendance à remonter à l’ouverture de la bouteille et à donner un goût particulier. Donc, pour la retirer, on fait déjà tomber la lie dans le goulot. Cyril a décidé de le faire à la main, sur pupitre en bois, comme en champagne autrefois.




Pour expulser la lie qui est maintenant dans le goulot, Cyril utilise aussi une méthode manuelle. « A la volée » dit-on. Il m’avoua tout de même que ses débuts n’avaient pas été glorieux, et qu’il perdait beaucoup de cidre. Pas très étonnant. Ce qui l’est en revanche c’est qu’il s’embête à le faire à la main. C’est plus long, et beaucoup plus difficile (300 bouteilles par heure tout de même, il faut tenir le rythme). Mais Cyril m’a expliqué que le remuage à la main était plus précis, et que le dégorgement à la volée retirait tout risque de contamination par l’eau additivée utilisée pour la méthode mécanique (à la glace).

Pour finir sur la technique (promis), le cidre parti durant le dégorgement est remplacé par du cidre dégorgé. Et c’est tout. Le résultat est du cidre sans soufre, sans dosage d’expédition (la liqueur que l’on ajoute au champagne brut par exemple). Il est tout de même très légèrement sucré, vu que les levures meurent avant d’avoir fini de le transformer en alcool.

Les cidres de Cyril Zangs, ça donne quoi ?



Bon, c’est bien sympa tes petites histoires, mais nous, on a soif ! Eh bien, ça tombe bien, parce que moi aussi ! On s’installe sur une petite table chargée de verres et de bouteilles, ouvertes ou non, au milieu des cuves. C’est bien simple, j’ai le sentiment d'être dans la ferme de mes parents. Et Cyril nous donne vraiment l’impression d’être chez un ami. On ouvre une bouteille millésimée 2017. Il m’informe que cette année-là, les levures ont été un peu fainéantes, et que de fait, les bulles sont discrètes.

Le millésime 2017


Effectivement, les bulles sont très fines. La robe assez claire. Un nez plutôt sur la fraîcheur, avec des fruits et un côté marguerite prononcé complété de miel d’acacia. La bouche est vraiment maitrisée. Tout en douceur, tout en souplesse. Tendre, plutôt léger, avec des arômes subtils. Un cidre magnifique qui rappelle tout de suite une matinée de printemps (les pommes en plus). Je pense tout de suite à un apéritif, un poulet, un poisson tendre (une sole peut être ?), mais Cyril me propose… un pot-au-feu. N’ayant plus de vin rouge, il a tenté l’aventure. Courageux de sa part, mais c’est aussi comme ça qu’on découvre des nouveaux accords. On déguste même une bouteille ouverte depuis un mois. Une bouteille sans sulfite, je m’attendais à du vinaigre. Eh bien non ! Ce n’était plus tellement gazeux et c’était un peu plat, mais encore très buvable.

This Side Up


Cyril nous présente alors sa deuxième cuvée : « This Side Up ». Il y a quelque temps, on l’a contacté pour savoir s’il ne voulait pas d’un verger planté de 9 variétés, plus amer, plus corsé, situé à proximité de la côte normande. Au début, il était un peu récalcitrant. Et puis, par curiosité, il a goûté une pomme d’une variété qu’il avait également dans son verger. Et là, il s’est rendu compte que la pomme n’avait pas du tout le même goût. Elle était comme iodé, avec un côté plus « minéral ». Enchanté par sa découverte, il a récupéré le verger et en a fait une cuvée à part.

Et du coup, cette spécificité, elle se ressent dans le cidre ? Oh oui ! Déjà, le verger n’est pas planté avec les mêmes taux de pommes acides/douces/amères. De fait, il a plus de structure. Les arômes sont également plus sur la pierre chauffée, et des fruits moins sur la fraîcheur, avec de l’orange notamment. Mais le plus étonnant, ça reste la finale iodée. Cyril m’a dit « un peu comme un whisky d’Islay ». Dieu merci, sans la tourbe ! Mais c’est vrai que le côté plage, on l’a un peu. Pour le coup, je le prendrai un peu moins en apéritif celui-là. Il mérite quelque chose de plus typé, un poulet de bresse, un chapon, un poisson plus ferme (un bar ?). Pourquoi pas aussi un plat de fruits de mer ?

Le dernier cidre de Cyril, le Ciderman, je ne l’ai pas goûté. Selon les dires du génial producteur, c’est une base de millésimé avec un peu plus de sucre. Un bon cidre pour l’apéritif en somme. D’ailleurs, le packaging oriente vers cette direction.

Alors, Cyril Zangs ? Eh bien, une visite comme à la maison, sans chichi. Ce n’était pas une dégustation mais plutôt le partage d’un verre avec un producteur. Et des cidres qui lui ressemblent. Pas dans la démonstration, l’extravagance. Non. Plutôt dans le fruité et la fraîcheur, la douceur très bien maîtrisée. C’est ça, Zangs. Un breuvage qui reste discret, très facile à boire, convivial, et diablement efficace. On est à un peu plus de 10 €, et, mon dieu, ça les vaut ! 

Cyril Zangs
Cidre 2 Table
Le Friche Menuet
14100 Saint Germain de Livet

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