Blog Brandy : Le Pisco, trésor du Pérou et du Chili

La Guerre du Pisco

En Amérique du Sud, il existe un alcool dont la seule évocation de l’origine peut déclencher une rixe. Vous l’aurez deviné, il s’agit du pisco. Mais qu’est-ce que le pisco ? Il s’agit d’un alcool distillé de raisin, comme le cognac ou l’armagnac. Mais pourquoi un tel déchaînement de passion pour ce brandy ?

Il s’agit tout simplement de la boisson nationale du Pérou et du Chili. Là où l’affaire se corse, c’est que tous deux prétendent être l’inventeur du pisco. D'un point de vue historique, l’invention du pisco remonte au 16ème siècle dans la Viceroyauté du Pérou, alors province espagnole et tire son nom du Quechua “pisqu” qui signifie petit oiseau (nom d’un petit port de pêche à 300 km au sud de Lima). La messe est donc dite, le pisco est péruvien. Oui, mais non. Une partie du Chili faisait lui aussi partie de cette province. Ce à quoi répondent les Péruviens que la culture était très différente entre les deux pays, même à l’époque.

L’Union Européenne a fait son choix entre les deux en 2013, octroyant une indication protégée au pisco péruvien. Mais la guerre continue puisque le pisco péruvien doit être étiqueté “Aguardiante” ou “Distilado de Uva” au Chili et le pisco chilien est interdit au Pérou.

Le pisco péruvien

Au Pérou, on utilise 8 cépages, dont 4 peu aromatiques, comme le quabranta aux arômes grillés, de foin et de chocolat (celui qu’on cultive le plus, et logiquement, qu’on retrouve le plus dans le Pisco Sour), mais aussi le Mollar, le Uvina, et la Negra Criolla. Les 4 cépages aromatiques (préférés à l’export) sont dérivés du muscat : Italia (rose et ananas), Muscatel (ou Moscatel aux arômes musqués), Torontel (agrume et fleur d’oranger), Albillo (aux arômes de pomme et de miel).

                            

Contrairement au Chili, la distillation doit se faire en une seule fois et le degré d’alcool ne peut être inférieur à 38°. Aucun ajout d’eau n’est autorisé, donnant alors un pisco entre 38 et 48°. Une autre différence avec le pisco chilien est l’interdiction formelle de vieillir le pisco en fût. Par contre, le pisco doit reposer au moins 3 mois avant embouteillage, qui peuvent parfois se transformer en année pour gagner en rondeur.

Le pisco péruvien provient uniquement des zones en bord de mer de cinq régions : Lima, Ica, Arequipa, Moquega, Tacna. Par décret, il n’est pas autorisé d’ajouter de sucre au jus, ni d’utiliser de levures autres qu'indigènes (présentes sur le raisin ou dans l’air du chai de vinification).


Les catégories

Classiquement, on trouve les monocépages (“varietal” ou “puro”), mais aussi Le Mosto Verde. Celui-ci est issu d’un vin pas tout fait terminé, lui donnant ainsi des arômes spécifiques, mais, puisque le rendement en alcool est très bas, c’est le pisco coûtant le plus cher. Le "Acholado", quant à lui, est un pisco issu de plusieurs cépages.

Le pisco chilien

Au Chili, on utilise du muscat et du torontel, des cépages très aromatiques. Contrairement au pisco péruvien, la distillation se fait à un plus haut degré (proche de ce qui se fait en France pour le cognac ou l’armagnac), puis réduit avec de l’eau à 30° pour les piscos d’entrée de gamme et 40° pour les cuvées premium. Or, dans certains pays, surtout européens, le pisco doit titrer à au moins 40°.

Ici, la réduction à 30° est autorisée et seul le pisco haut de gamme titre à plus de 40°. Le vieillissement en fût est autorisé (“guarda”, pour 3 mois, et “envejecido” pour 1 an de garde), donnant une teinte allant du jaune clair, au brun. Outre cela, l’aromatisation est autorisée dans ce pays.

                                        

On retrouve le pisco dans deux régions : Atacama et surtout Coquimbo où l’on trouve le village de Pisco Elqui, renommé afin d’affermir la légitimité de la production de pisco chilien, selon les Péruviens. Il faut bien avouer que ce changement de nom est étrangement récent (1936).

Comment consommer le pisco ?

Que ce soit l’un ou l’autre, le pisco ne se boit généralement pas pur, même si les plus belles bouteilles le méritent. On connaît évidemment le pisco sour, inventé par un Américain sur la base du whisky sour, mais ce n’est pas le plus réputé chez les Péruviens, tout simplement parce que ce cocktail demande un peu de préparation et de matériel. C’est le chilcano qui a leur préférence, tirant sa recette d’immigré italien. Elle est réalisée avec de la Ginger Ale (comme le Canada Dry par exemple), du sucre, du pisco et du jus de citron vert.

Quelques belles marques :

Boudé en France, on trouve peu de choix ici. Néanmoins, certaines marques relativement faciles à trouver dans l’hexagone peuvent donner une bonne vision de ce qu’est le pisco.

Pérou :

  • BarSol : située à Ica, elle fait figure de classique à l’international. On retrouve du Mosto Verde Italia, du Quebranta et du Achalado parmi les plus connus.
  • Portón : créé par deux Américains, épaulé par un monument du pisco, Johnny Schuler, la marque a gagné sa place d’incontournable. Le référence signature est le Mosto Verde issu du quebranta, torontel et albilla.
  • Tabernero : située à Lima, dans la plaine de Chincha, sa réputation à l’international est moins grande que BarSol ou que Portón, mais elle est tout aussi recommandable.

Chili :

Il est plus difficile de goûter à du pisco chilien de bonne qualité. Pour l'instant, la seule marque qui parvient à se faire une place aux côtés des Péruviens est la marque Waqar, orientée cocktail. 

Profitez donc des derniers rayons de soleil pour tester un pisco sour, avec naturellement un ceviche !

Votre serviteur et sommelier, Petit Chapeau Rouge



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