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Blog Absinthe : un alcool qui fait tourner les têtes



Absinthe : l'alcool qui fait tourner les têtes

Tout d’abord, qu’est-ce-que l’absinthe ? C’est un alcool issu de plusieurs plantes, mais surtout de la grande absinthe. Du fait de son prétendu pouvoir hallucinogène, cet apéritif a été surnommé “fée verte”

A l’origine, la recette de l’absinthe proviendrait d’une rebouteuse suisse du canton de Neufchatel ; Henriette Henriod. Le major Dubied, négociant en dentelle, acquiert la recette et s’associe avec son gendre Henri-Louis Pernaud, bouilleur de cru. Il installe alors la première distillerie produisant de l’absinthe à Val-de-Travers, en Suisse. Mais en 1805, il décide d’ouvrir une distillerie qui ne produira que de l’absinthe à Pontarlier, en France.

Un siècle plus tard, en 1907, on compte 25 distilleries, rien que dans cette région de Pontarlier, qui devient, de fait, la capitale de l’absinthe.

Bien aidé par le milieu littéraire français, le succès est retentissant, amenant avec lui nombre de contrefaçons et d’alcools de bien piètre qualité (alcool non rectifié, ou mal distillé chargé de méthanol toxique, ajout de métaux lourd comme le sulfate de cuivre pour la couleur ou le Chlorure d’antimoine pour le trouble (le louche)…)
A cette époque le monde du vin se remettait difficilement de la phylloxera. Ce qui allait arriver aidera grandement la filière. Pour lutter contre l’alcoolisme, l’Etat décida de s’attaquer à l’apéritif qui rassemblait 90 % des français : l’absinthe. Mais ce n’est pas contre l’alcool que l’Etat allait se battre, puisque la filière des vins spiritueux était importante pour son économie. Un autre axe fut choisit : la thuyone. Une molécule que l’on trouve notamment dans l’absinthe, qui, semble t-il, procure des hallucinations à haute dose. Cette dose n’est jamais atteinte dans la boisson absinthe, contrairement à ce qu’on a pu entendre à l’époque (250 à 300 mg/L, voir 1000 mg/L).

Les symptômes étaient en réalité liés aux absinthes frelatées, comme on avait pu le voir avec le gin, à Londres, dans les années 1800. En effet, dans la littérature scientifique, les recherches ont prouvé que, d’une part, le taux de thuyone avancé à l’époque est beaucoup trop haut (une bouteille datant d’avant 1915 a été mesuré à des taux approchant les 10 mg/L de thuyone), et d’autre part que si le thuyone peut en effet provoquer des hallucinations sur des doses incohérentes avec les taux mesurés, il n’est pas responsable de “folie” comme on pouvait le prétendre à l’époque. On parlait même d’absinthisme, qui est en fait indiscernable de l’alcoolisme selon la recherche actuelle.

Quoi qu’il en soit, en 1915, la France et d’autres pays européens interdisent la production d’absinthe. C’est assez logiquement que naît l’anis, d’une recette très proche de l’absinthe, mais dont on a retiré l’absinthe (vous suivez ?). En 1932, est d’ailleurs créé le pastis de Marseille.

Bon nombre de producteurs continueront pourtant à produire de l’absinthe dans la clandestinité, en France ou en Suisse, et il faudra attendre 1988 pour qu’enfin, la thuyone soit autorisée dans les produits alimentaires, avec un taux maximal de 35 mg/L pour l’Union Européenne.

Il faudra une lutte intense pour qu’en 2001, l’alcool absinthe soit de nouveau autorisé en Europe avec la limite de 35 mg/L de Thuyone. Mais son nom sera “spiritueux aux extraits de plante d’absinthe”. 2011, la lutte s’achève enfin avec le droit, enfin, d’écrire le mot “Absinthe” sur la bouteille.

En 2009, s’est construite la route de l’absinthe entre le Val-de-Travers, en Suisse, et Pontarlier en France, les deux berceaux de l’absinthe. C’est d’ailleurs le 19 août 2019 que l’IGP Absinthe de Pontarlier est créée. L’IGP Val-de-Travers est à l’étude, même si l’association suisse des distillateurs d’absinthe (AAA), issue pour la plupart de la clandestinité suisse, grince des dents car elle craint que l’IGP ne soit trop strict dans ses règles.

L’IGP Absinthe de Pontarlier


Créé le 19 août 2019, elle donne un nouveau départ à l’absinthe.

Le journal officiel dit :

“L’Absinthe de Pontarlier est un spiritueux de couleur jaune pâle tirant sur le vert, limpide et ne présentant aucun dépôt. Additionné d’eau à la consommation, il prend une teinte opaline rappelant celle de l’ivoire et présente un trouble qui le rend opaque.”

“L’Absinthe de Pontarlier est caractérisée par des arômes qui rappellent les senteurs que la plante de grande absinthe exhale lors de sa récolte. Pour préserver ces arômes, l’Absinthe de Pontarlier contient au moins 20 mg/L de thuyone.” Et c’est là que le bât blesse. En effet, les Etats-Unis sont de bons consommateurs d’absinthe, mais ils n’autorisent que des alcools contenant moins de 10 mg/L de thuyone. De fait, cet IGP ne sera pas forcément très utilisé par les plus grandes marques (comme Les Fils D’Emile Pernot), ce qui va limiter considérablement son utilité d’outil de promotion.

“Si le produit est élevé sous bois plusieurs mois la couleur devient un peu plus foncée et dorée, le goût d’anis s’estompe au bénéfice de celui de l’absinthe et le produit s’adoucit.”

“Il est de tradition de servir l’Absinthe de Pontarlier avec du sucre en dissolution, ce qui fait disparaître la légère astringence que la distillation de l’anis a pu apporter”

Dans la suite de l’article du Journal Officiel, on apprend que la récolte et le séchage de l’absinthe ne peut se faire que dans une zone précise et restreinte, sans engrais ni désherbant. Et que pour la production, il faut obligatoirement distillé l’absinthe (pour éliminer son amertume) et l’anis verte (pour maîtriser la puissance de l’absinthe) dans des alambics en cuivre de moins de 3 000 L.

Également, la formation de paillette en bouteille lorsqu’elle est mise au frais est un gage de qualité. Et la coloration se fait obligatoirement par macération post-distillation ou par ajout d’infusion de coloration issu a minima de la petite absinthe et de l’hysope.

A l’heure où j’écris ces lignes, une semaine après la création de l’IGP, bien entendu, aucune bouteille n’est concernée. On peut raisonnablement penser que le porteur du projet, la distillerie François Guy, proposera au moins une référence, mais il ne sera pas le seul. Malheureusement, ce choix de 20 mg/L de thuyone, peut-être justifié sur le plan qualitatif, va limiter le nombre de marques concernées.

L’absinthe : un rituel précis

L’absinthe est un alcool puissant et pouvant titrer vers les 70-80°. Il faut donc le diluer à travers un rituel précis afin de garder toutes ses qualités :
  • On met 3 cl d’absinthe dans un verre de 12 cl ou 15 cl
  • On verse soit 9 cl, soit 12 cl d’eau pur selon les préférences, mais tout doucement (car il y a réaction entre l’alcool et l’eau avec dégagement de chaleur et les molécules aromatiques de l’absinthe sont fragiles) avec une carafe (mais ça peut être long, car l’idéal, c’est le goutte à goutte), ou avec une fontaine à absinthe pourvu d’un petit robinet.
Là où il y a une différence entre les suisses et les français, c’est que ces derniers ajoutent une cuillère percée sur le verre et y posent de 1 à 2 sucres, qui fondront au passage de l’eau, apportant de la douceur à la boisson.

Il faut ajouter un point important : La légende de la boisson qui offre des visions à malheureusement encore de beaux jours devant elles. Oubliez le côté hallucinogène de l’absinthe. De nombreux novices ont cherché les absinthes les plus riches en thuyone et en ont bu jusqu’à essayer de voir la “fée verte”. Quelques soit la quantité d’absinthe que vous boirez, vous n’aurez jamais d’autres hallucinations que celles provoquées par l’alcool, et un coma éthylique est un prix bien élevé pour courir derrière un mythe. Dégustez avec modération, et au lieu de vous focaliser sur une substance au pouvoir imaginaire, apprenez à apprécier le délicat équilibre entre amertume, fraîcheur, complexité et douceur.

Les belles étiquettes pour débuter :
  • Un Emile Vert (68°) de la distillerie Les Fils d’Emile Pernot. Elle est pas trop amer, équilibrée et assez anisée. 49€ / 70 cl
  • La Verte bio (72°) de la distillerie Bourgeois à Arçon, frais et équilibré. 45€ / 50 cl
  • La Charlotte (55°), de la distillerie Paul Devoille, simple, anisé, fruité et assez amer. Très bien pour débuter. 29€ / 50 cl
  • La Clandestine (53°) de la distillerie suisse Artemisia, complexe et très douce 57€/70cl
  • Roquette 1797 (75°), distillé Les Fils d’Emile Pernot, issu d’une recette retrouvée datant 1797. Elle est très puissante et très herbacée. 59€/70cl
  • Eichelberger 68 (68°), boisé, puissant et amertume bien marquée. 34€/50cl
  • Enigma Verte (72°), par Paul Devoille, ronde, et souple avec un jolie fruit. 49€/70cl

Pour aller plus loin, vous pouvez allez voir un blog pointu sur le sujet : http://absintherieduweb.blogspot.com
Votre serviteur et sommelier, Petit Chapeau Rouge

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