Blog Hydromel : Le Miel Sublimé

Hydromel, ou le miel sublimé


L’hydromel tire son nom du grec “Hudro” et “meli” qui signifie respectivement “eau” et “miel”. Sans grande surprise, avec la levure, ce sont les deux seuls ingrédients qui, théoriquement selon la législation Française, entrent dans la composition de cette alcool largement oublié.

L’hydromel, une histoire de miel

Si nous essayons de remonter le temps, on se rend bien vite compte que l’on peut remonter loin, trèèèès loin. En effet, les primates ont pour habitude d’enfoncer un bâton dans les troncs creux habités afin d’en extraire le miel. Il y a fort à parier que nos lointains ancêtres faisaient de même. Si nous nous focalisons sur les preuves laissées par la consommation de miel, alors il faut aller en Chine en -7 000 avant JC où des traces archéologiques ont été découvertes. A cette même période, nous retrouvons aussi une peinture rupestre à Valence, en Espagne.



Un peu plus tard, au moins à partir de -2 400 avant JC, en Egypte nous retrouvons notre abeille, mais cette fois-ci domestiquée, grâce à des ruches en roseaux tressés notamment. La récolte était un peu violente puisqu’il s’agissait d’étouffer l’essaim, technique qui perdurera pendant longtemps. De cette période, on sait que le “miel blanc”, qui coule naturellement des alvéoles, était réservé aux rois et aux dieux. Le miel de presse était largement utilisé pour son pouvoir sucrant et ses vertus thérapeutiques. Un simple exemple : le papyrus Ebers (datant du 16ème siècle avant JC), sur 900 remèdes différents prescrits, 500 contenaient du miel.

D’une manière générale, le miel a toujours été glorifié, et vu comme nourriture des dieux. Par exemple, dans les civilisations Mésopotamiennes, Grecques, les athlètes se devaient de consommer du miel avant d’entrer dans le stade et le miel faisait également parti du culte des dieux et des morts, de la civilisation romaine avec le culte de Cérès, des celtes, des vikings…

Au Moyen-Âge, l'élevage dans des ruches est présent mais la récolte de miel sauvage par les bigres était monnaie courante. Pour cela, les troncs d'arbres contenant des abeilles étaient coupés et l’essaim étouffé. Il existait par ailleurs un impôt à l'abeillage, qui consistait pour un seigneur à réclamer une partie de la cire et du miel sur ses terres.

Du Moyen-Âge nous savons que le miel de Narbonne qui est blanc et très odorant, le Gâtinais moins blanc et moins aromatique, celui de Languedoc et d’Avignon jaune paille, celui de Champagne onctueux et consistant, celui de Touraine, Normandie, Picardie et Bretagne réputé “puant, rougeâtre” mais plus purgatif d’après Pomet. Certains miels, notamment ceux des azalées, des rhododendrons (ponticum et luteum) et des aconits par exemple, étaient déjà connus pour être toxique.

Le miel était l'ingrédient indispensable et pratique pour sucrer les plats et les médicaments. Il sera détrôné en partie au 16ème siècle par le sucre de canne, qui avant coûtait beaucoup trop cher pour le commun des mortels. Mais c’est au 19ème que le miel connaîtra sa chute de popularité avec l'arrivée d’un sucre bon marché : le sucre de betterave.

Le miel aujourd’hui

La consommation de miel en France reste relativement élevée de nos jours pour agrémenter les tisanes et les petit-déjeuners. Néanmoins, si localement le miel fait de plus en plus d’adeptes, faisant grimper notre consommation à 40 000 tonnes de miel, nous ne produisons que 10 000 tonnes, notamment à cause de la mortalité de plus en plus élevée dans les ruches. Les causes de cette mortalité sont très difficiles à expliquer car les études impartiales manquent. Quelques pistes parlent de parasites comme Varroa devenu résistant au traitement, et d’insecticides nouvelles générations insuffisamment testés par manque de connaissance sur le métabolisme des abeilles. Quoiqu’il en soit, pour combler la différence entre consommation et notre production, les grossistes vont chercher le miel là où il se trouve : en Chine. Malheureusement, la Chine vend presque deux fois plus de miel par rapport à 2007 mais ne produit que 13 % de plus, la différence étant l’ajout de sirop. Si en France les tests sont draconiens, en 2018, la répression des fraudes a démantelé un réseau de francisation de miel qui a étiqueté frauduleusement 140 000 kg de miel dans le sud.


Si en France, nous recherchons généralement les miels les moins coûteux, dans certaines régions, le miel a gardé cette aura de prestige et de médicament qu'on n'hésite pas à récolter dans des déserts ou monter dans des arbres pour le récolter. Ce genre de miel se paye une fortune, comme le miel de lotus ou de jujubier sauvage du Yémen, ou le miel Anzer ou d'abeilles sauvages de Rize en Turquie tous deux à 300€ le kg ou encore le miel de Mersin. Autant vous le dire, les arnaques fleurissent sur la plupart des sites vendant ces produits !

Du miel à l’hydromel

D’après plusieurs de mes lectures, certains auteurs pensent que la découverte de ce breuvage résulterait d'une découverte par les chasseurs-cueilleurs dans une ruche abandonnée et noyé d’eau de pluie. Ce qui est sûr, c’est en - 4 000 avant JC que des textes Vedas en Inde évoquent pour la première fois l’hydromel.

De part la dimension mystique du miel, et de la dose de celui-ci requise, cette boisson est rendue précieuse. Dans beaucoup de régions, il est naturel qu’elle devienne la boisson des dieux, comme chez les celtes, et les vikings.


Les grecs affectionnaient cette boisson, et la mélangeait souvent avec diverses fruits, mais les romains se montraient davantage attirés par le vin. Ceci étant dit, Pline, dans son Histoire Naturelle nous en donne néanmoins une recette : Il recommandait de diluer le miel dans de l’eau de pluie, concentré au tiers, puis de laisser au soleil la boisson pendant 40 jours. En vieillissant, une telle boisson posséderait l’arôme du bon vin. Pour ma part, je vous déconseille assez vivement d’essayer une telle recette. Les arômes en sont très désagréables pour nos palets modernes.

Si en Europe romanisée, l’hydromel périclite au profil du vin et de la bière, en Scandinavie, la tradition y est encore vivace.

Au Moyen-Âge, l’hydromel fait un timide retour, notamment grâce aux Normands d’origine viking. Mais son usage se restreint assez bien à la médecine. chez Tabernaemontanus en 1588 la recette est la suivante :

Prendre un bon miel dilué 8 fois son poids en eau pour le verser dans une casserole chauffée à feu doux afin de le faire bouillir à petit feu. Une fois refroidi, verser le dans un tonneau au trois quart pour le laisser fermenter. On peut ajouter gingembre, girofle, muscade, cannelles, safran et drogue aromatique pour lui donner des arômes épicés.

Au sujet du Chouchen et de l’Hydromel

Lorsque l’on parle d’hydromel, nombre d’entre nous perçoivent la bolée de cidre, les joyeux Fest-Noz au son des bombardes et les crêpes. En effet, la Bretagne a connu un regain d’intérêt pour l’Hydromel au moins au 18ème et un certain M Le Moal donna le nom de Souchen (Souche d’arbre en breton) à sa marque. Retrouvé dans des registres datant de 1895, en 1920 M Postic nomma son hydromel Chouchen. Depuis, le mot est tombé dans le domaine public puis redéposé en 2000 mais rien n’est fait contre les autres producteurs d’hydromel bretons qui l'appellent toujours Chouchen.


Vous l’aurez compris : Chouchen ne signifie pas miel en breton (il se dit “Mez”), et s’il s’agit d’hydromel, l’hydromel lui, n’est pas forcément du Chouchen. Je vous épargnerai également les discussions pour savoir si tel ou tel chouchen, qui est aromatisé aux pommes ou autre est ou non de l’hydromel (selon la législation en vigueur, ce n’en est pas) car ces discussions engendrent beaucoup de débats animés.

L’hydromel aujourd’hui


Aujourd’hui, l'Amérique du Nord et l’Europe de l’Est sont sans aucun doute les leaders du domaine mais la production reste marginale par rapport au vin ou à la bière. En France, l’hydromel n’est qu’une curiosité et les professionnels le traitent avec peu d’égard. C’est la raison pour laquelle j’ai toujours pensé que cet alcool n’avait aucune espèce d'intérêt. Il existe pourtant une petite poignée de passionnés qui se battent pour la reconnaissance de cet alcool. Ils essaient tant bien que mal de comparer leur boisson avec du vin de qualité. Une telle démarche est justifiée par le fait que l’hydromel est une boisson onéreuse de part la quantité de miel nécessaire pour produire un litre de boisson.

En tout les cas, si vous allez dans le Cantal, n’hésitez pas à vous arrêter chez Fabien Kaczmarek, à Marcolès, avec sa marque “Apis Terrae” que j’ai eu la chance de goûter. Il distribue chez quelques étoilés, et je dois bien l’avouer, c’est son hydromel qui m’a convaincu que, oui, on pouvait faire de belles choses avec le miel. On y décèle un boisé léger, avec un côté fleuri marqué et une bouche, sans sucre résiduel, ronde, mais doté d’une juste tension. En Bretagne, si vous êtes du côté de Concarneau, passez un coup de fil à Sylvain Le Cras. Sa marque “Ô la butine” est également digne d'intérêt et le personnage en connaît un rayon sur le sujet. On trouve également la Cave du Dragon Rouge à Dinard (en Ille-et-Vilaine) que j'ai eu la chance découvrir. Sublime.

Votre serviteur et sommelier, Petit Chapeau Rouge.

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