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Blog Vin : Hypocras, le vin noble




L’hypocras est un vin d’épices très prisé en tant que digestif, apéritif ou médicament durant de nombreux siècles, s’étalant du Moyen-Âge jusqu’au 19ème siècle. Bien loin d’être la curiosité qu’elle est aujourd’hui, elle était considérée, dans les milieux nobles comme une boisson raffinée et prestigieuse.

Hypocras, une origine bien lointaine




Entourée de nombreuses légendes, cette boisson est issue des traditions de vins coupés antiques, qui remontent même jusqu’en -1700 (au moins). En épiçant un vin, nous lui permettons de vieillir plus aisément. Durant l’antiquité, seuls les meilleurs vins liquoreux romain pouvaient être bu plusieurs années après leur production. Les autres étaient destinés à être bu dans les six mois. En les chargeant d’épices, on allonge sa durée de vie et on cache facilement ses éventuels mauvais goûts.

Au Moyen-Âge, on a donc ces aspects : dans les milieux populaires, on épice le vin pour la garde et pour cacher son mauvais goût. Mais dans les milieux nobles, ce sont les vertus médicinales des épices que l’on recherche. On utilise donc les meilleurs vins pour leur ajouter des épices les plus exotiques et les plus chères afin de faire une boisson destinée à rester en bonne santé.

L’origine du mot est sans doute une référence à Hippocrate, le célèbre médecin grec, dont l’écriture en occitan est Ipocras. Mais ce n’est qu’au 14ème siècle que cette boisson prendra ce nom (sans doute un joli coup marketing d’un producteur de cette époque). Auparavant, elle se nommait pyment, ou claret / claré. Pyment venant de pigmentum (qui est coloré) et claré de claro (éclairé), on peut envisager que le pyment soit fait de vin rouge, et le claré de blanc ou de rosé

Un écrit retrouvé en 1559 donne un indice sur la différence entre le pyment et l’hypocras. En effet, dans cet écrit, on trouve six recettes d’hypocras à base de sucre de canne, et une recette de pyment à base de miel.

Le sucre blanc était à l’époque issu de canne à sucre plantées en méditerranée et était raffiné par les vénitiens qui commercialisaient le sucre à prix d’or. Et puis, le sucre fut importé des Antilles nouvellement colonisés, devenant un peu plus accessible. Mais ça restait un signe de richesse que de l’utiliser. Et comme souvent au Moyen-Âge, ce qui était cher avait des vertus supérieures. Le sucre était donc vu comme très bénéfique pour la santé, contrairement au miel, de moindre valeur.

Quand l’hypocras s’écrit au pluriel




Au 13ème siècle, en France, les recettes évoquent du vin, gingembre, cannelle, sucre ou miel, selon si on parle de pyment ou d’hypocras, auquel s’ajoute du clou de girofle, noix de muscade, maniguette, poivre long, galanga.

Au 16ème siècle, le pyment disparaît peu à peu et les ingrédients sont plus nombreux. On trouve désormais du musc, de l’eau de rose, cardamome, calamus et coriandre.

Au 17ème siècle, l’orthographe de l’hypocras se stabilise, et on y trouve des fruits et des fleurs : pomme, orange, citron, amande, musc, ambre, fleur d’oranger. Certaines recettes font penser à de la sangria, et d’autres à du parfum. Les spiritueux commencent à se développer et prennent sa place doucement.

Au 19ème siècle, on ne le trouve plus que comme tonique de façon très anecdotique.

La première recette d’hypocras écrite



Le Form of Cury, datant de 1390, est la première recette trouvée d’hypocras. On y retrouve 3 onces de cannelles, 3 de gingembre, un denier de nard, un quart d’once de galanga, de clou de girofle, de poivre long, de noix de muscade, de marjolaine et de cardamome, et un dixième d’once des graines de paradis et de la fleur de cannelle. Réduite en poudre, on la mélangeait au vin, avec du sucre, puis on filtrait après avoir laissé reposé.



L’hypocras a bien changé depuis. C’est devenu la boisson officielle des fêtes médiévales. Elle n’a plus rien de noble, devenant une boisson amusante et populaire. A base de miel, les recettes se rapprochent du pyment, ou du claré. Elles sont également bien moins épicées que leurs ancêtres, plus faciles pour nos palais modernes. Malgré tout, siroter ce morceau d’Histoire vous rapprochera, pour sûr, de vos lointains ancêtres ! Santé gentils seigneurs !

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