Blog Cigare : L'Art de Déguster la Fumée
Blog Cigare : L'art de déguster la fumée
Bien loin d'être un "truc de vieux", le cigare propose aux épicuriens de découvrir un nouveau terrain de jeu : celui de la fumée.Apprécier un cigare c'est un moment de convivialité entre bons amis, échangeant sur les sensations procurés, tout en refaisant le monde.
Mais au fond, qu'est-ce qu'un cigare ?
Un cigare est "simplement" un assemblage de 5 feuilles de tabac, appelé liga ou ligada. Les trois premières constituent la tripe. La première est le ligero, qui est la feuille du haut de la plante. Elle donne de la puissance aux mélanges. Les deux autres, seco (milieu de plante) et le volado (pied de plante), donnent les arômes et permettent une bonne combustion. Pour maintenir la tripe, on les roule dans une autre feuille : la sous-cape. Pour finir, on enroule le tout dans une dernière feuille : la cape.Le cigare : une histoire millénaire
L’histoire du tabac remonte à l’époque pré-colombienne (certaines sources parlent de -2500 ans avant JC). C’est Christophe Colomb, qui, voyant les indigènes rouler des feuilles de tabac séchées et les faire brûler pour leurs rituels et les fumer (les cigares, pas les rituels), les fit découvrir aux occidentaux. Les indiens Arawak (présent notamment au nord de Cuba) appelaient la feuille et le proto-cigare “Tzibatl”, qui deviendra "Tabaco" pour les espagnols. Les portugais diront "Tabago", d’où le nom de l’île de Tobago. Le mot "cigare", lui, vient du mot Maya “sikar”, qui signifie tabac.Au 17ème siècle, dans les cours d’Europe, le tabac est considéré comme un remède universel. Mais c’est au 18ème qu’en Espagne, on fera un cigare comme nous l'entendons aujourd'hui avec du tabac cubain. Les fortes taxes sur le cigare ont fini par détourner les consommateurs du cigare Espagnol. Ils se tourneront alors vers le cigare cubain, tous vendu en vrac, puisque les marques n’étaient pas encore rentrées dans les mœurs. Il faudra attendre 1840 pour que la marque Punch commence à développer l’image de marque. En 1854, les bagues apparaissent grâce à Gustave Block, pour limiter les fraudes, à l’époque très nombreuses. Elles servaient également à protéger les gants blancs de la haute société. Pour renforcer la protection contre la fraude, Cuba instaure son appellation d’origine protégé Habanos au milieu du 20ème siècle.
Les plus grands terroirs de cigares
Cuba : Sans aucun doute les cigares les plus renommés au monde, avec des marques faisant rêver le monde entier comme Cohiba, Partagas (et notamment le Coronas Junior que j'apprécie beaucoup pour sa douceur et son fruité), Montecristo... A Cuba, les cigares sont protégés par l'appellation d’origine contrôlé Habanos depuis 1967. Ils sont réalisés à Cuba avec des feuilles ayant été récoltées à Cuba. Si 5 régions produisent du tabac, les meilleurs Habanos sont élaborés avec des feuilles de Partido (pour la cape) et Vuelta Abajo, et notamment les deux villages les plus renommés : San Luis et San Juan y Martinez. Une seule société possède toutes les marques de La Havanes : Habanos. A elle seule, elle propose 27 marques faites manuellement, 5 à la machine et 280 types de cigares (vitoles).Ce sont des cigares puissants et épicés.
République Dominicaine : Souvent considérés parmi les meilleurs du monde (derrière Cuba), ils sont issus des variétés d’origine cubaine Olor et Piloto (pour les capes). Les meilleurs tabac de sous-cape et de tripes viennent de Villa Gonzales, Palmar et San Victor.
Les cigares sont plus légers, mais tout aussi complexes qu’à Cuba. Les marques Flor Dominicana, Arturo Fuente et La Aurora sont particulièrement appréciées, parmi d’autres.
Honduras : L’histoire du tabac commence très tôt avec les mayas et, les meilleurs territoires du Honduras comme Copan, ont joui d’une forte réputation durant des siècles. Un peu mise à l’écart de nos jours par Cuba et par la République Dominicaine, on trouve pourtant de bons cigares, puissants et épicés sur place. Il est à noter que beaucoup de marques utilisent des capes d'Équateurs ou d’ailleurs.
Quelques marques connues : Flor de Copan, Aladino et Flor de Selva.
Nicaragua : Terroir de tabac depuis les amérindiens, il a connu un développement important grâce aux immigrés cubains dans les années 60, puis un arrêt brutal dans les années 80 à cause de la révolution Sandiniste. Mais depuis les années 90, le cigare puissant du Nicaragua est plus que jamais sur le devant de la scène. D’ailleurs, le magazine "Cigar Aficionados" fait la part belle à ces magnifiques cigares dans son top 25 de 2019.
Les marques Padron, Rocky Patel et Olivia sont quelques unes des plus renommées au Nicaragua.
L'art de transformer des feuilles en chef d'oeuvre
L'exemple de Cuba
Le tabac de cuba provient de deux grandes familles : le criollo, résistant, planté au soleil, et le corojo, protégé par un voile du soleil. Mais, depuis un épisode marquant de mildiou, ce sont 4 nouvelles variétés qui sont majoritairement utilisées : le habana 92, le habana 2000, le criollo 98 et le criollo 99.Le tabac est planté en septembre et on les repique en novembre sur des sols sablo-argileux. La récolte débute en janvier et elle est manuelle, avant que les feuilles ne soient pendues, cousues par paire dans des cabanons, autrefois recouverts de toits de palmes. Maintenant, beaucoup de ces “cabanons” sont équipés de chauffage pour accélérer le processus. Les feuilles les plus fraîches sont placées au ras du sol, puis elle sont remontées petit à petit.
Cinquante jours après leur récolte, les feuilles sont empilées afin de subir une fermentation. Elles sont par la suite mouillées et sont écotées par les regazadoras (on retire la nervure médiane de la feuille, sauf pour les capes qui sont écotées avant d’arriver à la fabrique). Les feuilles sont alors triées par taille, teinte et texture. Une fois classées, elles subissent une deuxième fermentation pendant 60 jours, ce qui affine leurs arômes (Cohiba ajoute une troisième fermentation dans leurs ateliers). Après une mise au repos sur clayette, elles sont mises en ballot dans des toiles et resteront durant 6 mois pour les capes à 2 ans pour les ligeros.
Pendant cette période, les directeurs et les chef de liga viennent juger des qualités des ligeros, des secos, volados, capes et sous-capes, pour leurs assemblages.
Les feuilles arrivent maintenant à la fabrique où elles seront mises entre les mains des torcedors. Ce sont des ouvriers qualifiés qui ont suivi pendant un an les cours dispensés par leur employeurs. S’ils sont admis, ils confectionnent les petits modules. Après un temps, les meilleurs font les cigares plus importants comme les robustos, coronas, coronas grandes et especial n°2. Et puis, la crème de la crème, après un stage de deux mois, s’occuperont des cigares luxueux comme les churchills ou les doubles coronas. En effet, faire un cigare est un art délicat. En plus de correspondre à la vision du chef de liga, il se doit d’être serré mais pas trop pour permettre un bon tirage régulier.
Une fois roulés, les cigares sont mis en boîte de cinquante avec la marque du torcedors. Un vérificateur en prélève un de chaque lot, le mesure, le pèse, et l’ouvre pour voir si tout est conforme. Sinon, le lot entier est jeté.
Les cigares sont alors stockés dans de grandes chambres pour perdre en humidité pendant quelques semaines.
Un escogedor va ensuite les classer selon 64 teintes homologuées, en les rangeant du plus sombre, à gauche, au plus clair, à droite. Il met également le plus beau côté face à l’ouverture. Enfin, les cigares sont bagués et mis en boîte. Après un court repos, ils sont envoyés à l’export.
Le cigare : une histoire de taille
Les cigares sont caractérisés par leur forme et leur dimension. Cela constitue un vitole. Souvent, vous retrouverez le mot calibre suivi d'un chiffre ou "cepo". Ces deux termes renvoient au diamètre du cigare calculé en pouce.La dimension est importante dans un cigare. En effet, un cigare long, outre le fait qu'il soit plus long à déguster, sera, sur le premier tiers, assez subtile et riche en arômes. En effet, la fumée va se refroidir et traverser le cigare en emportant avec lui les arômes des feuilles brûlées et non-brûlées.
Un cigare de diamètre plus important brûlera plus lentement et donnera des arômes plus intenses. En 2000, les cigares cubain avaient un mauvais tirage. Les amateurs se sont donc rabattu sur des calibres plus gros. De fait, vous trouvez des cigares de plus en plus large. Certains estiment que cela déséquilibre le mélange. A titre personnel, c'est avec un calibre plutôt large (50) que j'ai commencé à apprécier le cigare. Comme souvent, c'est une question de goût personnel.
Un cigare fin (36 ou inférieur) va entraîner une combustion plus rapide, donnant des arômes plus épicés, presque piquants. Pour éviter d'avoir des cigares trop puissants, les fabricants peuvent ne pas mettre de ligero (qui donne de la force au mélange) dans la tripe.
Le site cigare.ch propose un bon visuel pour comprendre les principaux modules de cigares :
Apprécier un bon cigare
Pour apprécier un cigare, il convient de l'observer, et de le toucher. Le cigare doit être ferme et souple, reflétant une conservation dans les meilleures conditions.A l'aide d'un coupe-cigare, coupez au dessus de la ligne entre la tête et la cape, et tirez une bouffée avant de l'allumer. Vous pourrez ainsi apprécier ses premiers arômes.
Allumez le avec une flamme inodore (allumette au mieux, au gaz sinon). Pour ce faire, il faut maintenir le pied (le premier tiers de cigare que l'on souhaite allumer) près de la flamme en faisant tourner le cigare pour que toute la circonférence soit uniformément enflammée. Une fois fait, aspirez pour que la flamme embrase la tripe, tout en continuant de tourner le cigare. Pour terminer, soufflez sur la partie embrasée du cigare pour bien uniformiser l'allumage.
Vous pouvez maintenant profiter de votre cigare. Aspirez une bouffée, sans l'avaler (la fumée est plus puissante que celle de la cigarette), et faites la rouler dans votre bouche, puis relâchez la fumée. On parle vulgairement de crapotage.
Vous constaterez que la fumée changera de goût. Généralement, il y a trois parties majeurs : le premier tiers (le foin), plus frais, le deuxième tiers (le divin), plus riche, et le troisième tiers (le purin), très puissant et brûlant. C'est d'ailleurs au moment du troisième tiers que vous serez heureux d'avoir la bague pour protéger vos doigts de la chaleur.
Lorsque vous l'avez fini, posez le simplement sur le cendrier. Il s'éteindra lentement. Il est mal venu d'écraser la cendre d'un cigare, surtout devant un aficionados.
La question du vieillissement
Il existe un sujet qui divise certains aficionados : doit-on faire vieillir un cigare en cave ? En théorie, un cigare de qualité a déjà subi un vieillissement dans de parfaites conditions, avant et après roulage. Cependant, en théorie et jusqu'à un certain point, plus un cigare aura connu la cave, et plus ses arômes s'harmoniseront, bien qu'il perdra en arômes.Ceci étant dit, de grands noms du cigare comme Luigi Ferri, Min Ron Nee ou encore Zino Davidoff, pensent qu'un cigare se doit d'être attendu au moins quelques mois, voire quelques années (selon les cigares) pour que l'odeur d'ammoniaque disparaisse. Selon eux, le cigare passe alors à l'étape de maturité (3 ans pour des cigares doux, jusqu'à 15 ans dans les meilleures conditions pour des cigares puissants. Vient ensuite les cigares vintages. Et là, cher lecteur, personne n'est d'accord. Les cigares sont-ils plus complexes ? Sont-ils complètement éteints ? En définitive, fiez-vous à votre nez. S'il vous plait, faites vous confiance et fumez-le.
En tous les cas, pour un stockage ou un vieillissement, prenez une cave à cigare, réglez la autour de 70-75% d'humidité et conservez là autour de 20-21°C. Si vous avez plusieurs exemplaires d'un même cigare, conservez-les ensemble, sinon, laissez l'emballage pour éviter de mélanger les arômes.
Vous voilà désormais armé pour partir à la découverte d'un nouveau monde : celui des cigares. Appréciez-les avec des amis, ou un spiritueux, ils prolongeront vos soirées de façon des plus agréables, promis.
Votre serviteur et sommelier, Petit Chapeau Rouge
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