Blog Vin : Porto, l'or rouge du Portugal


Porto ou l'or rouge du Portugal

Sur Petit Chapeau Rouge, on se penche aujourd'hui sur un gros morceau ! Le porto, qui a fait la réputation du vin portugais, et qui arrose copieusement nos apéritifs en France mais si vous connaissez sans doute bien les Ruby et Tawny de porto Cruz, vous verrez que le porto, c'est beaucoup plus que ça. Trêve de bavardage, et direction la vallée du Douro ! On va tâcher de défricher tout ça, histoire d'y voir plus clair.



Mais d'abord, qu'est-ce que le porto ? C'est un vin fortifié, comme le Pineau, Banyuls et autres Floc. C’est-à-dire un vin dans lequel on ajoute de l’eau-de-vie de raisin  durant la fermentation, lorsque environ la moitié du sucre a été transformé en alcool (au bout de 1 à 4 jours), en fonction du type de porto souhaité. Cet ajout permet de conserver une bonne sucrosité en bloquant la fermentation et de monter les degrés à 19-21 %. Au vu de ce taux d'alcool, on conserve la bouteille de porto debout pour éviter de ronger le bouchon en liège.  Seuls les portos de garde comme les Vintages, Les Late Bottled Vintages Unfiltred, les Crusteds et les Single Quinta Vintages Ports doivent se conserver couchés.


Une fois fortifié, le porto est mis en cuve ou en fût et est sélectionné pour produire les différentes qualités de portos, car vous allez voir, le porto se décline en de très nombreux sous-genres.
Le porto est produit à partir d’environ 80 cépages, mais ceux qu'on retrouve le plus souvent sont sans conteste : Touriga Nacional, Touriga Franca, Tinta Roriz, Tinta Barroca et Tinta Cão.

Mais avant d'explorer la formidable richesse qu'offre le porto, un petit point historique.



Histoire de Porto et de son vin :

L’histoire du porto commence vraiment avec l’installation des romains au IIème siècle avant notre ère, et la plantation de vignes le long de la rivière du Douro.

Aux Romains, succèdent les Wisigoths puis les Arabes. C’est finalement après la reconquête par les espagnols et l’indépendance du Comté Portulacense, qui deviendra le Royaume du Portugal en 1143, que le vin local gagnera en réputation.

Il n’est alors pas question du Porto que nous connaissons tous, mais d’un vin rouge léger à l’acidité prononcée issue de la région du Minho au Nord du pays. En 1386, l’Angleterre et le Portugal signent le traité de Windsor qui harmonise les droits du commerce entre les deux pays. Les marchands anglais s’installent donc à Viana do Castelo (et non à Porto à l’époque) dans l’estuaire de la rivière Lima afin de garder un œil sur leurs entrepôts. Ce phénomène est renforcé par la signature d’un nouveau traité en 1654.



Mais la chance du Portugal vient de la guerre commerciale de 1667 qui va se jouer entre la France de Louis XIV et l’Angleterre. Cette guerre va entraîner un blocus des vins français en Angleterre. Bien forcés de trouver de quoi étancher la soif de leur compatriotes, les marchands anglais, déjà bien installés au Portugal, vont accentuer leur mainmise sur la production portugaise. Toutefois, les vins de la côte Nord, suffisant autrefois, ne plaisent plus. La Perfide Albion préfère les vins plus riches, comme ceux du Haut Douro. Ce vignoble, qui produit toujours les portos de nos jours, va donc connaître à cette époque une véritable explosion.

Cependant, le terrain accidenté empêche l'acheminement efficace du Haut Douro jusqu’à Viana do Castelo. En 1710, les Anglais quittent donc leur très confortable estuaire pour l’embouchure plus mouvementée du Douro, dans la ville de Porto. Les barques n’ont alors plus qu’à descendre la rivière pour atteindre les entrepôts de la ville, avant de voguer droit vers l’Angleterre.



Pour protéger les vins pendant la traversée, on ajoute parfois un peu d’eau-de-vie dans ce “porto”. Bien que cela puisse rappeler la production du porto actuel, le résultat est tout à fait différent, et il faudra attendre quelques siècles pour voir apparaître notre porto moderne.

Si les tensions entre la France et l’Angleterre faiblissent et que le vin français a de nouveau le droit de cité à Londres, le Traité de Methuen de 1703 donne un net avantage fiscal au vin de Porto. La croissance exponentielle de la demande en porto conduit de nombreux marchands à couper du mauvais vin avec du jus de sureau et autres additifs douteux, afin de gonfler leur marge. Ce problème majeur, couplé à une baisse de la demande et une hausse de la production va entraîner une crise sans précédente pour le porto au milieu du 18ème siècle.

Surgi alors un personnage devenu mythique : le Marquis de Pombal. Le négoce du porto est maintenant réglementé par un institut d'État (qui deviendra la Real Companhia) dès 1756. En plus de cela, la même année, 335 bornes (marcos pombalinos) sont plantées pour délimiter la zone de production définit en 1751, ce qui en fait la première appellation contrôlée viticole du monde.


Tous les sureaux sont coupés dans la zone, les meilleurs vins sont réservés à l’export, alors que les vins plus modestes sont réservés à la consommation locale.

Malgré les plaintes, ces mesures redonnent un second souffle au porto. Et c’est durant la deuxième moitié du XVIIIème que la technique de fortification en cours de fermentation (comme c’est le cas aujourd’hui) voit le jour, ce qui permet d’avoir des vins plus riches en sucres, et en alcool. Il se conserve également mieux, ce qui permettra aux négociants de gérer plus sereinement leur stock. Certains rejetteront évidemment cette innovation, mais le millésime exceptionnel de 1820 va leur forcer la main. En effet, pour retrouver ce niveau de qualité, il faudra fortifier le vin. 30 ans plus tard, le mutage (ajout d’eau-de-vie en cours de fermentation), sera la norme à Porto. La dernière résistance mourra avec le Baron Forrester, lorsque celui-ci coula, par accident, avec sa cargaison sur la rivière, avec ses barriques.

Avec les travaux de 1780, la partie Est du Douro, le “Alto Douro”, devint accessible et se paya le luxe de devenir une des zones les plus prestigieuses de l’appellation. C’est aussi à cette période que voit le jour le premier Porto Vintage en 1775.

Les années 1800 seront assez mouvementées pour le porto. D’abord, avec les guerres napoléoniennes jusqu’en 1811, et la guerre civile qui suivra. Mais s’ensuit une période faste pour notre vin muté préféré. Les Portos Vintages, tel que 1820, 1834, 1847, 1863 et 1868, deviendront légendaires et encreront durablement le visage prestigieux des Vintages.

La fin du siècle marquera un coup brutal dans la production du porto, avec l'apparition du terrible puceron phylloxéra qui ravagea le vignoble européen, dont le Français et le Portugais. Comme en France, et en Europe de façon générale, c’est la technique du porte-greffe qui viendra à bout de l’épidémie. L’idée est de prendre des racines de vignes américaines résistantes et de greffer dessus les vignes européennes.


La reprise est rapide et le début du siècle suivant voit le retour triomphal du porto. Après un petit ralentissement lors de la grande dépression de 1930, le point. rto repart, et un style commence à prendre le dessus, notamment en France : le porto élevé sous bois. C’est à cette époque que la France deviendra d’ailleurs le premier marché du Porto, bien que les Vintages soient davantage demandés en Angleterre. Également à cette période, apparaît le porto blanc, et l’IVP (l’Institut du Vin de Porto, en charge de la régulation et le contrôle du négoce du porto).

La Seconde Guerre Mondiale voit les petites maisons de négoce se faire racheter par les plus grosses. Et la période qui suit voit les Portos Vintages perdre en popularité, rebutés que sont les consommateurs par un prix élevé et une nécessité de les garder de longues périodes en cave. Apparaissent donc les Late Bottled Vintage (LBV), gardé plus longtemps en fût et au prix plus raisonnable que les Portos Vintage. Le contact prolongé du bois va lui permettre d’être immédiatement prêt à la consommation dès l’embouteillage. Suivant la même logique, apparaissent aussi les Tawny avec mention d’âge (10, 20, 30, 40 ans).

Porto aux multiples couleurs


Le Porto Blanc

Petite spécificité, le porto blanc est classé en fonction de leur teneur en sucre et en fonction de leur vieillissement. Ils sont issus des cépages Malvasia Fina, le Viosinho, le Donzelinho et le Gouveio et vieilli en fût pendant 2 à 3 ans.

Le taux de sucre :

Extra Seco : La fermentation est plus longue afin que la majorité du sucre soit transformer en alcool avant l’ajout d’eau-de-vie, ce qui donne un porto plus sec. On y trouve entre 17.5 et 40 g/L de sucre résiduel. Il se déguste aussi bien pur à 8°C, qu’allongé de tonic dans le cocktail Port Tonic. On peut citer le Grahams Extra Dry, issu majoritairement de la Malvasia.

Seco : Une fermentation un peu plus courte quee pou l’Extra Seco, ce qui lui permet de garder un peu plus de sucre (entre 40 et 65 g/L de sucre résiduel). Ferreira Branco Dry est une première approche de ce style, qu'on peut essayer avec du saumon au gaspacho d'asperge verte, ou des œufs mimosas par exemple.

Leve Seco : Sa spécificité est d’avoir le niveau d’alcool le plus bas (16.5° à 17°). C’est un Seco. La Quinta Seara d’Ordens embouteille un Leve Seco assez typique, qui fonctionne bien avec du sushi.

Meio Seco : Ou demi-sec en français, il contient entre 65 et 90 g/L de sucre résiduel. Le Meio Seco de Quinta de Marrocos en est un bon exemple, surtout avec un "sponge cake" (sorte de gâteau au yaourt) accompagné de fruits au sirop.

Doce : Entre 90 et 130 g/L de sucre résiduel, il se rencontre plus fréquemment en France. Le Niepoort White est de cela. Faîtes comme les Portugais : mangez les avec des amandes grillées !

Làgrima : Sans doute le plus connu des portos blancs, il contient plus de 130 g/L de sucre résiduel. Celui qui règne sans partage sur les étagères de nos caves est le Pinto Ramos Lágrima. Avec ça, une simple crème brûlée devient un délice.


Les mentions :

Fino Blanco : Blanc plus qualitatif que la moyenne, possédant une complexité certaine. On trouve notamment le Graham’s Fino White Port dans cette catégorie.

Reserva Blanco : Vieilli pendant au moins 7 ans, ils sont dotés d’une complexité supérieure aux autres blanc. Vous pouvez goûter le Dona Antonia de Ferreira pour vous en convaincre. Essayez donc un soufflé de mangues avec sa glace à la mangue.

Colheita : Un très grand vin blanc provenant d’une seule récolte, élevé au moins pendant 7 ans. S’il est vieilli en plus pendant au moins 8 ans dans une bonbonne en verre de 20 à 30 L, il peut utiliser la mention Garrafeira. Ces catégories sont quasi introuvables en blanc. Pour en débusquer une, il faudra casser la tirelire. La Maison Dalva propose un Colheita de 1971, qui, selon toute vraisemblance au vu de l’expertise de leur maison en vin rouge, doit valoir le détour. Un sabayon avec quelques éclats d'amandes devrait valoir le détour avec un tel brevage.

Les Mention d’âge (10, 20, 30 ans…) : Il s’agit d’un assemblage de plusieurs millésimes dont le plus jeune a au moins 10 ans pour un Porto Blanc 10 ans, 20 ans pour un Porto Blanc 20 ans, etc. Un bel exemple est le Niepoort 10 ans Blanc. Une tarte de figues séchées et miel lui fera un joli mariage.

Le Porto Ruby


Ruby : Le plus basique des porto vieilli en fût. C’est un assemblage de plusieurs millésimes, vieilli pendant 2 à 6 ans en foudre (fût de grande capacité). Il est fruité, simple, et fait pour être bu rapidement, et non pas pour la garde. Une fois ouvert, il perd en arôme au bout d’une petite semaine mais peut être consommé après un mois. Les plus complexes peuvent recevoir la mention “Fine Ruby”. On trouve assez facilement ce style en France, mais si vous trouvez du Ramos Pinto Fino, n’hésitez pas. Ca reste un classique, tout comme l'accord avec les tripes à la mode de Porto.

Ruby Reserve : Un Ruby, qui reste fruité, mais avec plus de corps, de structure et de complexité. Il a passé 3 à 6 ans en fût. Le Fonseca’s Bin 27 est une excellente entrée en matière pour ce style. Accompagné d'un fondant au chocolat et aux fraises, c'est un vrai délice.

Late Bottled Vintage : Il s’agit d’un porto issu d’un seul millésime. Il est vieilli en barrique de grande capacité ou en cuve inox pendant 4 à 6 ans, afin de ralentir l’oxydation. Il peut être “Filtered” (filtré) ou “Unfiltered” (non filtré). Les filtrés sont destinés à une consommation rapide, et n’ont pas besoin d’être "carafés". Ce sont les plus courant, et de fait, le mot “Filtered” n'apparaît pas toujours sur l’étiquette. Les non-filtrés peuvent être conservés couché pendant 5 à 20 ans, mais doivent être "carafés" car ils possèdent beaucoup de sédiments. La plupart du temps, le mot “Unfiltered” est indiqué sur la bouteille. Les “Bottle Matured”, quant à eux, sont vieilli 3 ans en bouteille avant commercialisation. Le Late Bottled Vintage a été inventé par la maison Taylor’s afin de proposer une qualité proche des Vintage mais à un prix plus abordable. Il est donc tout à fait logique que ce soit la Taylor’s LBV que je vous recommande, avec une tarte au chocolat, ou des profiteroles au chocolat.

Crusted : Un style assez rare qui ressemble à du Vintage Port, mais pour un prix inférieur. Il s’agit d’un assemblage de millésimes vieilli au moins pendant 4 ans en fût et au moins 3 ans de plus en bouteille. Un Crusted n’est jamais filtré et présente un dépôt important (d’où le nom “Crusted”), et est donc à carafer. C’est un porto de garde pouvant supporter 10 à 20 ans en cave, On le stocke couché. On raconte que lors d’un changement de lieu de stockage, il libère beaucoup de dépôts avant de se stabiliser. La Maison Churchill’s en propose un excellent pour découvrir ce style, surtout avec un pudding aux prunes.



Single Quinta Vintage Port (SQVP) : Il s’agit ni plus ni moins que de Vintage Port, issu d’un seul domaine (Quinta). Depuis les années 1990, de plus en plus de petits domaines ont commencé à vouloir embouteiller eux-mêmes, au lieu de tout vendre aux géants du Porto. Pour avoir le droit de commercialiser ces bouteilles avec cette mention, il faut que l'Institut du Vin de Porto l'ait déclaré exceptionnel. On estime (à tort ou à raison) que les SQVP vieillissent moins bien que les Vintage Port, et de fait ne supportent “que” 10 à 20 de cave. Autre point important, les SQVP sont bien moins coûteux que les Vintage Port. Ces bouteilles sont à conserver couchées. La petite Maison Quinta do Portal propose par exemple un Vintage de sa propriété de Quinta dos Muros. Un roquefort comme le vieux berger est un compagnon idéal pour ce type de vin, tout comme les desserts au chocolat, comme un brownie aux amandes, ou aux myrtilles.

Vintage Port : Là, nous arrivons à la Rolls des portos, et évidemment assez inabordable, avec des temps de garde qui feraient rougir les plus grands Bordeaux. Ils ne sont produits qu’en moyenne 3 fois tous les 10 ans, lorsque les grandes maisons estiment qu’une année a été assez exceptionnelle pour être embouteillé sans assemblage. Après la vinification, les vins sont mis en fût neutre (vieux fût usagé qui ne donne plus de goût boisé) pendant au moins 2 ans. Légalement, il doit être embouteillé entre la 2ème et la 3ème année. Ce sont des vins qui doivent être conservés couché de longues années pour s’exprimer complètement. Si vous souhaitez en goûter un, essayez Quinta do Noval. Les accords sont les mêmes que pour les SQVP, mais si vous êtes aventuriers, vous pourriez aussi vous laisser tenter par une entrecôte de bœuf avec un jeune Vintage.

Le Porto Tawny


Tawny : Il s’agit du style le plus consommé (40 %) dans le monde. Le tawny est élevé pendant 3 à 5 ans dans des fûts qui n’ont pas été totalement remplis (ouillage incomplet). Ceci va entraîner une forte oxydation (comme le Xérès Oloroso) et l’apparition d’arôme typique de noix. Les meilleurs ont le droit à la mention “Fine Tawny”. On peut penser à Ramos Pinto qui jouit d’une belle image dans l'hexagone, servi avec un tajine d'agneau aux fruits secs.

Tawny Reserve : Issu de vins plus fin et plus concentrés, ils sont vieillie plus longtemps (5 à 8 ans), ce qui leur donne plus de complexité. La Maison Croft élabore un Tawny Reserve de très bonne facture, avec un joli crumble à la cerise noire et au chocolat.

Les Mention d’âge (10, 20, 30 ans…) : Il s’agit d’un assemblage de plusieurs millésimes dont le plus jeune a au moins 10 ans pour un Porto Blanc 10 ans, 20 ans pour un Porto Blanc 20 ans, etc. Niepoort 10 ans fait parti des références du genre. Même s'il fonctionne bien avec un dessert au chocolat et à la noix, une tarte à l'orange fonctionne bien également. Un 20 ans se mariera, lui, avec des tartes aux amandes et au miel, mais aussi avec du parmesan ou du manchego.

Colheita : Un très grand vin rouge provenant d’une seule récolte, élevé au moins pendant 7 ans. S’il est vieillie en plus pendant au moins 8 ans dans une bonbonne en verre de 20 à 30 L, il peut utiliser la mention Garrafeira. Ces catégories sont extremement difficile a trouvé puisqu’elles sont utilisé fréquemment pour réaliser les Tawny avec mention d’âge. La Maison Poças propose un grand Colheita, qui accompagnera une tarte à l'amande avec justesse.


Ce voyage fut long et je n'ai pas tout développé. Le porto est d'une richesse exceptionnelle et ce n'est qu'en allant sur place qu'on peut réellement se rendre compte à quel point cela est vrai. A vous d'explorer, goûter, comparer. N'hésitez pas à laisser vos portos préférés en commentaire.

Votre serviteur et sommelier, Petit Chapeau Rouge

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