Blog Brandy : L’armagnac, l’eau-de-vie de Gascogne

L’armagnac, l’eau-de-vie de Gascogne

L’armagnac est issu de vin blanc sec, comme son cousin, le cognac. Pur produit du Sud-Ouest, l'appellation est à cheval dans le sud-ouest entre les 3 départements : Gers, Landes, Lot-et-Garonne.

Histoire de l’armagnac

L’histoire commence, comme dans beaucoup de vignoble, avec l’arrivée des Romains dans la région. Avec les invasions barbares, débarquent les vascons qui donneront le nom de Gascogne, puis, en 670, c’est le premier duché de Gascogne.

En 602 naît le premier duché de Gascogne, avec à sa tête Genialis, vassal des rois Thierry II et de Thibert II.

En 1310, le prieur d’Eauze et de Saint-Mont, Maître Vital Dufour écrit les 40 vertus de “l’Aygue Ardente”, l’eau-de-vie du Sud-Ouest. On retrouve dans des cahiers de compte de 1461 cette Aygue Ardente sur le marché de Saint-Sever, dans les Landes, en tant que médicaments. Mais elle n’est qu’anecdotique, la plus grande partie des vins de la région étant consommée telle quelle, dans la région ou étant exportée via Bordeaux.

Mais Bordeaux va interdire le transit de vin par voie fluviale, pour éviter la concurrence des vins des terres. Cette interdiction ne s’appliquant qu’aux vins et pas aux eaux-de-vie, l’armagnac trouva son salut dans la distillation massive de ses vins. En effet, les Néerlandais recherchaient des eaux-de-vie pour renforcer le vin à destination de ses marins, afin d’éviter que celui-ci ne tourne. Delà viendra la similitude avec cognac, autre source d’approvisionnement en eaux-de-vie de ces commerçants redoutables.

Au XVIIIème siècle, on commence à apprécier le goût du boisé dans les spiritueux, ceux-ci devenant plus rond, plus coloré et plus riche en arôme.

Le puceron phylloxera, provenant d’Amérique, va ravager le vignoble européen, dont celui de Gascogne. Comptant 100 000 ha autrefois, l’armagnac ne s’en relèvera jamais complètement. Comme partout en Europe, pour survivre, l’armagnac se dote une zone de production en 1909 et une Appellation d’Origine Contrôlée, qui perdure jusqu’à nos jours.

Traditionnellement, l’Armagnac ne s’embouteillait pas, mais le changement de mentalité, et l'exigence de qualité apparut après la Seconde Guerre Mondiale va changer la donne. Et si l’armagnac jouit d’une bonne réputation à cette époque, la fin de siècle et le début du suivant vont marquer sa ringardisation, du fait d’un manque de marque identifiable rapidement. Ce problème majeur a eu pour conséquence un stockage massif dans les chais et permet de proposer aujourd’hui des eaux-de-vie millésimées pouvant remonter au début du XXème siècle.

L’arrivée de l’Association des Crus Légendaires et de jeunes distillateurs changera peut-être la donne dans les années qui viendront. C’est en tout cas tout ce que je souhaite à ce spiritueux, emblème du Sud-Ouest.

Les terroirs de l'armagnac


L’Armagnac représente 4200 ha répartis sur 3 départements : le Gers, les Landes et le Lot-et-Garonne. Le climat est océanique à l’ouest et méditerranéen à l’Est. Il est composé de trois zones, pas forcément homogène en terme de terroirs, ni équitable en volume.

Le Bas-Armagnac : à l’ouest, situé dans le Gers et les Landes, elle jouit d’une bonne réputation. Elle représente à lui seul 67% de l’Armagnac. Le sol est sablolimoneux, le fameux sable fauve. On les décrit comme fruité et délicat. Certains parlent de “Grand-Bas” qui serait la zone la plus qualitative de l’armagnac, qui est la partie cheval entre les Landes et le Gers.

L’Armagnac-Ténarèze, situé dans le nord-ouest de l'appellation, dans le Gers et le Lot-et-Garonne, représente 37 % de la surface revendiquée de l’Armagnac. On y trouve des sols argilo-calcaires et boulbène qui donne de la puissance à l’eau-de-vie.

Le Haut-Armagnac : situé à l’est sur le Gers et le Lot-et-Garonne, le sol y est très calcaire. Ici, peu de producteurs, et pas forcément les plus recherchés, installés là lors de la forte demande du XIXème siècle.

Les cépages de l'armagnac

Si autrefois la Folle Blanche, le Plant de Graisse et autre Clairette de Gascogne régnait en maître sur l'appellation, c’est l’Ugni Blanc, productif et facile à gérer, qui a pris leur place, comme à Cognac. Sont autorisés les cépages suivants :

Ugni-blanc : facile à gérer et productif, il donne des vins bien marqué par l’acidité, assez floral et fruits blancs. Il représente un peu plus de la moitié de l’encépagement dans l’Armagnac.


Folle Blanche : avant le phylloxera, c’était le cépage de l'Armagnac. Dorénavant il est assez anecdotique (à peine 2 %), bien qu’il connaisse un regain d’attention. Très marquées par la fleur blanche, les eaux-de-vie qui en sont issues sont fines et délicate. Il fonctionne donc assez bien sur les armagnacs jeunes.

Baco (30 %) : issu du Noah et de la Folle Blanche, il est ce qu’on appelle un hybride. Il donne le meilleur de lui-même sur les sables fauves du Bas-Armagnac. Les eaux-de-vies issu du Baco (22A) sont fermes, un peu austères, mais qui vieillit magnifiquement.

Colombard : de plus en plus utilisé pour faire du vin de Gascogne, on ne le retrouve plus tellement dans les eaux-de-vie.

Et les autres : Plant de Graisse, Clairette de Gascogne, Jurançon Blanc, Meslier Saint François et Mauzac

Armagnac, du vin au spiritueux

Une fois les raisins vendangés, ils sont vinifiés puis distillés avant le 31 mars à la propriété, par le producteur lui-même ou, plus fréquemment, par un bouilleur de cru ambulant, ce qui constitue une originalité par rapport à son cousin de Cognac.

La seconde particularité est l'utilisation de l’alambic à colonne, qui donne une eau-de-vie moins fruitée que les alambics à repasse de Cognac. La dernière grande différence entre ces deux familles de “brandy” est que les maisons d’Armagnac embouteillent souvent sans assemblage d’années. On peut donc facilement trouver des millésimes, qui correspondent à l’année de distillation de l’eau-de-vie. Etant donné que les campagnes de distillation s’étalent entre octobre et mars, le millésime correspond à une récolte de l’année en cours, soit de l’année précédente.

A la sortie de l’alambic, l’armagnac contient 52 % à 72 %. Plus le taux d’alcool est important à la sortie, plus l’eau-de-vie sera délicate. Moins il sera élevé, plus l’armagnac sera puissant et corsé.

Une fois embouteillé, l’armagnac ne vieillit en théorie plus, sauf si la bouteille est bien entamée, comme tous les autres spiritueux. Je ne peux que vous conseiller de regarder la date de mise en bouteilles. A noter également que les maîtres de chais, lorsqu’ils estiment que l’armagnac est arrivé à son apogée, le mettent dans les bonbonnes de verres, ou des récipients en métal et les place dans l’endroit de leur chai appelé poétiquement “Paradis”. En théorie, ces eaux-de-vie ne changent plus. Mais force est de constater qu’au bout de plusieurs décennies, le spiritueux à changer dans les bonbonnes, devenant plus velouté. On retrouve d’ailleurs ce phénomène dans les très vieilles eaux-de-vie blanches d’Alsace comme la poire ou le kirsche.

A chacun son armagnac

Blanche : nouvelle catégorie d’armagnac, plutôt orienté cocktail, il n’a pas subi de vieillissement en fût, mais un court séjour (3 mois minimum) en cuve afin d’ajouter de l’eau pour faire tomber le taux d’alcool à 40° généralement. minimum à 37.5°

VS : une eau-de-vie jeune, plein de fougue et très fruité et floral. En effet, un VS (Very Special) n’a connu qu’un an de fût, minimum, ce qui lui donnera un léger côté vanillé, caramélisé. Il est plutôt taillé pour les cocktails.

VSOP : un peu plus âgé, le Very Superior Old Pale a connu au moins 4 ans de fût, ce qui va policer l’eau-de-vie, lui apporter de la rondeur, et lui apporter un côté boisé. Il devient agréable à boire mais peut aisément trouver sa place en cocktail.

XO ou Hors d’Âge : le Extra Old, ou Hors d’âge, est la classification des vieilles eaux-de-vie. Ayant passé plus de 10 ans en fût, il est plus complexe, plus profond généralement. Il a également gagné en rondeur et en longueur en bouche. Bien que certains barmen le travaillent en cocktail, on le consomme plus volontiers pur, dans un verre tulipe.

Quelques marques d’armagnac

L’armagnac est bien moins structuré que le cognac. Là où à Cognac on retrouve des maisons de négoce toutes puissantes, faisant rayonner l'appellation dans le monde, et des petits producteurs, l’Armagnac est plus équilibré. Les petites maisons de négoces et les producteurs principaux sont de puissance équivalente et de fait, les deux groupes se livrent une guerre qui dessert largement le spiritueux.

 


Parmi les maisons de négoce, Dartigalongue, maison sérieuse, et Darroze qui joue la carte de la transparence totale, donnant le nom du producteur et les millésimes de chaque cuvée.
Les producteurs les plus connus appartiennent à l’Association des Crus Légendaires : Domaine Tariquet, connu pour ses vins, le Château Briat, propriété de Raoul Pichon-Longueville, qui fait également un peu de négoce, le Domaine Boingnères, très dynamique dans le milieu de la sommellerie et amoureux du cépage Folle Blanche, le Château de Lacquy, et le Domaine de Jaurrey, mieux connu sous le nom Laberdolive. En dehors de cette association, quelques producteurs sont à noter, parmi tant d’autres. L'incontournable Laubade, sans doute le plus grand producteur avec ses 105 ha, très décrié localement pour son côté consensuel, mais très correct selon mon humble avis. Dans un autre registre, le Domaine Ognoas dans les Landes, qui possède le plus vieil alambic encore en fonctionnement, a bonne réputation, et le Domaine de Laballe essaient de rajeunir l’image de l’armagnac. Chacun à sa manière, est digne d’intérêt.

Je ne peux que vous encourager à vous perdre dans la campagne de l'Armagnac, à la recherche du petit paysan oublié, qui possède encore quelques fûts. Sait-on jamais, c'est peut-être bien un trésor que vous trouverez.


Votre serviteur et sommelier Petit Chapeau Rouge

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