Blog Cidre : Eric Bordelet, héraut du cidre !


Eric Bordelet, héraut du cidre



Aujourd'hui sur Petit Chapeau Rouge, on part goûter de la pomme ! Dans le monde du cidre, vous avez les industriels insipides, les fermiers rugueux, et les rares sympathiques. Parmi eux, quatre mousquetaires se battent pour la reconnaissance du cidre ! Et vous avez leur porte-étendard : Eric Bordelet. Champion marketing et commercial, c’est lui qui a amené les projecteurs sur ce parent pauvre de la boisson fermentée.

Le choix d’Eric Bordelet

Suivant les pas d’Eric Baron, avec son fameux domaine de Kerveguen, qui a été l’un des premiers producteurs de cidre de table, Eric Bordelet ne se destinait pas à la profession. Il était sommelier dans des restaurants étoilés à Paris, et avait jolie réputation. Son père produisant un peu de cidre, il essaya de le proposer à ses clients. C’est comme ça qu’il a compris ce que ces clients exigeants désiraient. C’est aussi en officiant dans ces restaurants qu’il fait la connaissance de grands vignerons, et notamment de Didier Dagueneau, le pape de Pouilly-Fumé.

Ses parents prennent leur retraite et le moment de choisir est arrivé. Doit-il continuer la sommellerie, ou doit-il reprendre la ferme de ses parents ? Finalement, l’appel de la terre a raison de sa carrière parisienne. Mais ce n’est pas pour faire un cidre quelconque. Non ! Il veut faire un cidre pur, et précis, comme le cidre de Robert Demoy qu’il avait goûté.

Peu connu en France, Robert Demoy est un breton parti au Québec dans les années 70 et a tenté un projet fou : montrer au canadien que le cidre pouvait être bon. Un projet d’autant plus risqué qu’à l’époque, sur place, cette boisson avait la pire image qui puisse être. Mais, à force de talent et de travail, il a acquis maintenant une très grande renommée et il a créé des vocations !

Le point de départ du mythe Eric Bordelet



Mais revenons à Eric. Pour son projet, il a besoin de bagages techniques, qu’il ira chercher en formation viti-oeno à Beaune. Aidé de son ami Dagueneau, il explore, innove, expérimente jusqu’à trouver la bonne formule.

Cependant, la production de pomme est très sujette aux effets millésimes (comprendre qualité et quantité variable en fonction des années). Il décide alors de millésimer son cidre. Un deuxième problème se pose. S’il veut vivre uniquement du cidre, ce n’est pas avec les 16 pommiers que son père a planté qui suffiront. Or, un pommier qui donne des cidres d’une belle complexité, c’est un pommier qui a au moins 25 ans. Et quand au poirier, c’est un siècle qu’il faut attendre. Pour pallier à ce petit souci, Eric Bordelet parcourt le voisinage, et goûte les pommes des arbres les plus prometteurs.

Son verger est constitué de 40 % de pommes douces, 40 % de pommes amères et de 20 % de pommes acides. Les pommes sont le plus souvent ramassées par terre pour qu’elles aient le temps de se gorger de sucre et diminuer leur amertume et leur acidité.

Ayant pris rendez-vous, je me présente à la propriété, surplombée par le château de Hauteville, brûlé en 1922 et en cours de reconstruction. Malheureusement, Eric Bordelet ne fait pas visiter et il n’est pas disponible. Je suis donc reçu par sa charmante épouse, Céline.

A vos verres d’Eric Bordelet, mes gaillards !


Le convivial d’Eric Bordelet pour commencer

Sidre Tendre : Il a été fermenté 1 mois, ce qui fait qu’il conserve de la sucrosité. Un nez simple, sur le fruit, avec une bouche douce mais contrebalancé par une légère amertume. Il est facile à boire, et plutôt sympa. A boire en apéritif si on aime le sucré, ou en dessert. Pourquoi pas aussi sur un plat relevé, avec du curry, pour adoucir le plat ?

Sidre Brut Tendre : Un peu plus sec, puisque mis à fermenter durant 3 mois. Il est un peu plus épicé, et davantage amer que le tendre. Il mérite un plat de poisson ou de viande blanche, histoire de calmer sa petite amertume.

Sidre Brut : Il est fermenté 5 mois, et l’amertume notée dans les deux précédents n’est plus masqué par le sucre. Si vous aimez les tannins, vous serez servis. Je vous avoue que c’est un peu trop pour moi. Il faut absolument le boire avec un poulet, ou une dinde par exemple, pour arrondir tout ça.

Poiré Authentique : Ah ! On commence à parler là ! Des fruits blancs, des fleurs toutes aussi blanches, une touche de sucre avec une belle acidité qui lui apporte de la fraîcheur… Si le cidre est le vin rouge avec ses tannins, le poiré est indéniablement le vin blanc. L’essayer c’est l’adopter celui-là. Ça me donne envie de moule cette histoire ! Ou d’une dorade au citron tient !

Destination 7ème ciel, avec Eric Bordelet Airline !

Sydre Argelette 2016 : « Mais quelle est donc cette écriture ? » me demanderez-vous. C’est une facétie d’Eric qui a trouvé cette orthographe chez le romain Pline l’ancien. L’homme aime provoquer, et ça se voit. Quant au nom « argelette », c’est le sol que l’on trouve sur place. C’est une roche ferrugineuse friable composée de schiste. Là, on est clairement à un autre niveau que les cidres de soif ! Un peu fermé, les arômes sont centrés sur les fruits blancs, avec un côté un peu floral et des épices accompagnés d’une touche de cuir. La bouche est légèrement sucrée (type demi-sec), très élégante, avec des tannins fins, mais tout de même bien serrés. C’est un cidre de garde que nous avons là.

Sydre Argelette 2007
: Wow. Le nez s’est complétement ouvert. De la cire, du miel, des épices douces, des fruits confits (pèches jaunes, pomme, poire…)… C’est complexe, et la bouche est souple, avec une longueur élégante qui joue entre les épices et les fruits confits. Alors là, monsieur Bordelet, chapeau ! Ça c’est la potion que j’attendais en venant chez vous. Et je ne suis pas déçu du voyage ! Si vous avez l’occasion de boire cette merveille, prenez donc de la truite avec une sauce crèmée à la morille par exemple. Ou peut-être des noix saint Jacques de saint Brieux à la crème butternut et châtaigne.

Granit 2016 : On retourne vers un poiré. Mais pas n’importe lequel : le Granit, qui provient de poirier triple centenaire. De la même façon que la vieille vigne apporte de la concentration et de la matière aux vins, les vieux poiriers concentrent le poiré. Et il y a de la matière là ! C’est assez compact et peu d’arômes s’en échappent. Mais le potentiel mes amis ! Plus aérien que le cidre, racé, profond, avec une jolie tension… Je ne peux m’empêcher de rêver à ce qu’il pourra devenir d’ici 10 ans. A maturité, je le verrais bien avec un risotto de daurade à la girolle, ou tout simplement une tarte poire chocolat. J’en salive déjà !

Enfin, on arrive au poiré de glace ! Au nez, un côté galet chauffé, une touche d’iode, pomme, poire, fleur, avec du miel et une touche de cire et de verveine. On peut le rapprocher d’un grand vin blanc doux. La bouche ne dément d’ailleurs pas forcément, avec une juste acidité qui contrebalance le sucre. C’est d’une élégance et d’une race vraiment surprenante. Si je pensais avoir trouvé ma potion avec Argelette et Granit, je me rends compte que j’avais sous-estimé Eric. Ce poiré de glace, c’est de la folie. Si seulement j’avais une tarte tatin à la poire, je serais aux anges !

L’OVNI d’Eric Bordelet !

Cormé 2017 : nom local du sorbier, dont les alsaciens font encore de l’eau-de-vie, c’est un petit fruit à pépin qui était fermenté pour donner du « vin fruitier ». Il donne une boisson un peu plus riche que le cidre, ou le poiré. J’avoue qu’à l’aveugle, j’étais un peu dérouté. J’ai tenté le coing… Raté ! Au niveau aromatique, ça oscille entre pomme et poire avec un côté plus marqué par les épices dures, le humus. C’est assez particulier. Parmi la gamme gastronomique d’Eric, c’est celui qui m’a le moins convaincu. La bouche est plutôt équilibrée, plus chaleureuse qu’Argelette ou Granit, mais moins fin. On a du sucre résiduel (30g/L) mais bien intégré dans les tannins. Si vous avez l’occasion de le goûter, au moins pour la curiosité, allez-y ! C’est original. Je partirai plutôt sur un dessert, type millefeuille de pomme.



En définitive, Eric Bordelet, génie du cidre/poiré, ou champion du marketing ? J’avoue que ses cidres de soif ne sont pas les meilleurs rapports qualité/prix que j’ai pu gouté. Par contre, ses poirés, et Argelette… C’est vraiment des bombes dont vous ne vous remettrez pas ! Si vous n’aimez pas le cidre, sautez le pas ! Promis, vous changerez d’avis !

Votre serviteur et sommelier, Petit Chapeau Rouge



Eric Bordelet
Château de Hauteville
53250 Charchigné – France

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